J’écris la Cerisaie
J’écris sous la petite pluie qui tombe sur la Cour d’Honneur
Ce 12 juillet de l’an deux mille 21
J’écris éberlué par le jeu des acteurs entourant Lioubov
J’écris électrisé par l’actrice qui l’incarne
Qui semble n’avoir pas d’âge
Et dont le corps tout feu tout flamme
Traverse comme un fantasme éveillé
La dernière pièce d’Anton Tchekhov
J’écris Huppert
Toujours Upper
J’écris la main sur le texte
Traduit par André Markowicz
Et Françoise Morvan
J’écris mouché
Par ce masque en papier
Sur lequel rebondissent les répliques
J’écris en sandale
Jouant au scandale de jeter l’argent de la pièce
Aux spectateurs trempés comme soupes au lait
J’écris C’risaie
Sous les risées d’une vie dérisoire
De personnages faillis
Qui s’effondrent
J’écris éjecté de mon siège
Par la ruse de l’Histoire début d’un nouveau siècle
Qui confond le XX° et le XXI°
J’écris ânonnant mes impressions
Sur de petits tickets
D’un métro fantôme
J’écris comme le fils d’un paysan de l’Ariège
Et non celui de ce moujik marqué au fouet
Jouissant de sa vengeance
En rachetant en fin de Conte
Toute la propriété
Qu’il s’empresse d’abattre à la hache
À la hâte d’accueillir
Le monde acculturé de la bourgeoisie argentée
J’écris percuté, tourmenté,
Débaroulant la pente d’un monde Titanic
J’écris désassemblé
Dans une assemblée
Où chacun croit trouver refuge
Sous son parapluie
J’écris comme le font les poésies
Qui crépitent et miment
Toutes les Utopies
J’écris Utopiste
Le front collé sur le cahier des charges :
Sauve qui peut Survie
J’écris couleur isabelle
Chatte, chaton et Reine
de la Reconquista
J’écris petit roi déchu fuyant l’Alhambra
J’écris poète dépourvu
Énergisant le corps du texte
D’une danse ténue têtue