METTONS QUE JE N’AI RIEN DIT

Lisant et écrivant je relie inévitablement

Je relie Proust et Borges Montaigne et Genette

Genette de la famille des viverridés

Et Gérard qui après avoir fait Figures I Figures II Figures III Figures IV

Plongea ses mains d’écriture dans le sac du bardabrac

D’où il retira classé par désordre alphabétique

Idées bonnes et mauvaises citations apocryphes

Apartés boutades souvenances enfantines

Lisant et relisant je me relie allègrement

À ces bougres de chercheurs indignes

Dont la formule insigne est :

Mettons que je n’ai rien dit

UN LECTEUR ÉCRIVANT

(ce n’est qu’un brouillon qui vient d’être improvisé)

Il lit un livre nouveau et de temps en temps en passe à l’écriture pour garnir ses propres pages

par exemple en prélevant une petite cellule du texte (roman, essai, poème) qu’il utilise comme bouillon de culture de sa propre écriture

comme on dit chez Michel que sais-je? qui suis-je? sont deux questions qui l’occupent des nuits entières mais qui restent en suspens

en effet quand il essaie plume à la main d’oser leur donner quelques éléments de réponse il attire chemin faisant beaucoup d’épines dans ses pieds

et cependant même s’il écrit comme un pied il a l’audace de poursuivre son chemin couci couça cahin-caha

(non il n’a pas écrit à sauts et à gambades)

LES NUITS D’INSOMNIE

Les nuits d’insomnie j’aime me divertir
Lisant Grand carnet d’adresse de la Littérature à Paris
Écrivant sur mon petit bloc à dessin
à dessein ces quelques lignes
pour le pire et pour le meilleur
Cette nuit il est question de Marie
qui expose pour la première fois ses tableaux
au 46 de la rue Laffitte
en mai 1907
dans la boutique de Clovis Sagot
C’est Marie Laurencin
Jeune mince éthérée
Qui rencontre pour la première fois
ce gros ours délicat nommé Guillaume Apollinaire
Le lendemain il lui envoie ces vers délicieux :
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous Mère Grand
C’est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie

L'auteur du carnet d'adresses est Gilles Schlesser
Le scripteur du texte présent est Jean Jacques Dorio
Il poste sur son blog poésie mode d'emploi un texte par jour depuis le 8 janvier 2006
Soit, si j'en crois les calculs de mon smartphone, 7079 poèmes ce 27 mai 2024.

IMPRESSIONS SUR PAPIER FRAGILE

J’ai vu à la Royal Academy de Londres une toile comme une étoile qui tombe sans que personne ne la regarde L’ébauche d’une montagne : quelques griffures au crayon en haut côté sud et un peu d’eau jetée sur des couleurs pastels discrètes avec une surface de papier demeuré blanc C’est la dernière de Paul Cézanne , une japonaiserie sans signature (exposition Impressionists on Paper)

J’ai lu grâce aux travaux de recherche de Pauline Dorio, ces conseils de Charles Fontaine (13 juillet 1514-mort à une date inconnue) qui devraient m’inciter « écrivant barthesien » à cacher 9 ans ces écrits pour ne pas qu’ils ne demeurent qu’essais vains :

Car raison veut que je les avertisse
Qu’ils n’ont pas eu de poète notice
Qui dit qu’on doit garder ses vers neuf ans
Pour ce qu’on doit craindre flottes et vents
Lorsqu’on transporte et qu’on met en lumière
Des écrivants leur ouvrage première

Et enfin j’ai récrit en partie une reprise du concours de Blois initié par Charles d’Orleans duc et père d’un roi de France, concours dit de la ballade des Contradictions auquel participa entre autres pairs François Villon :

Je meurs de soif auprès de la fontaine
Froid comme feu je ris en pleurs
Rien ne m’est sûr que la chose incertaine
Et mes bouquets n'ont nulle fleur


Londres 17 et 18 janvier 2024