BELLES NAISSANCES

Pour Ambre et Jade et pour Mathis

Une goutte d’eau dans l’océan des poésies 
Une larme de joie dans les yeux d’une reine de cœur
Une pluie sans cesse sur Brest
Un lac endormi quand nul ne le voit la nuit
Une source à la fontaine Bellerie
Mon poème est comme un ruisseau
Je l’ai écrit pour mes petites filles et mon petit fils
Nés un vingt huit février

Martigues 28 février 2024

IMPRESSIONS SUR PAPIER FRAGILE

J’ai vu à la Royal Academy de Londres une toile comme une étoile qui tombe sans que personne ne la regarde L’ébauche d’une montagne : quelques griffures au crayon en haut côté sud et un peu d’eau jetée sur des couleurs pastels discrètes avec une surface de papier demeuré blanc C’est la dernière de Paul Cézanne , une japonaiserie sans signature (exposition Impressionists on Paper)

J’ai lu grâce aux travaux de recherche de Pauline Dorio, ces conseils de Charles Fontaine (13 juillet 1514-mort à une date inconnue) qui devraient m’inciter « écrivant barthesien » à cacher 9 ans ces écrits pour ne pas qu’ils ne demeurent qu’essais vains :

Car raison veut que je les avertisse
Qu’ils n’ont pas eu de poète notice
Qui dit qu’on doit garder ses vers neuf ans
Pour ce qu’on doit craindre flottes et vents
Lorsqu’on transporte et qu’on met en lumière
Des écrivants leur ouvrage première

Et enfin j’ai récrit en partie une reprise du concours de Blois initié par Charles d’Orleans duc et père d’un roi de France, concours dit de la ballade des Contradictions auquel participa entre autres pairs François Villon :

Je meurs de soif auprès de la fontaine
Froid comme feu je ris en pleurs
Rien ne m’est sûr que la chose incertaine
Et mes bouquets n'ont nulle fleur


Londres 17 et 18 janvier 2024

SANS Y PENSER JE CHANTE Ô CHOSE VAINE

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Vous qui lisez Sonnets ainsi récrits
De divers styles où le temps je poursuis
Le temps perdu et le temps retrouvé
De telle année tel jour telle pensée

Vous qui lisez ce jour où pris d’amour
Le Poëte de Laure fut frappé
C’était souvenez-vous en Avignon
Un vendredi saint assure la chanson

Sans y penser je chante ô chose vaine
Cet amour romancé imaginaire
Nourri par la Fontaine de Vaucluse

Vous qui oyez ce chant ainsi déduit
De sonnets d’un Philleul de Carpentras
De vos soupirs quand à la fin Amour est close

Vasquin Philleul de Carpentras (1522- ?1582)
On sait que notaire à Carpentras il fit paraître Laure d’Avignon
Extrait du Poète florentin François Pétrarque
Un notaire sicilien Giacomo da Lentini surnommé « El Notaro »
serait « l’inventeur » de cette forme reine

ET QUAND PERSONNE NE ME LIRA JE M’EN FICHE

J’ÉCRIS EN BUVANT L’EAU DE LA FONTAINE DU GRAND OUBLI J’écris sans mémoires ni souvenirs J’écris sur un bloc de cire vierge de toute poésie J’écris chantant des mythes accoudé au rocher de Sisyphe J’écris des glyphes qui attendent leur Champollion J’écris formes, notes et simulacres J’écris dans l’odeur âcre des derniers feux de Mai 68 J’écris 68 fois sous les pavés la page J’écris en marchant de nuit dans les rues d’une ville inconnue dictant à mon magnétophone portatif le nom des rues et des affiches J’écris et quand personne ne me lira je m’en fiche

À LIRE SANS RIRE (de manière distanciée)

Nuestras vidas son los ríos
Que van a dar en la mar
Que es el morir

Jorge Manrique

Assis au bord du fleuve de ta vie
à soixante-dix-sept berges
Tu cherches toujours
La distance la bonne distance

Entre deux poèmes
Deux essais de puiser un seau d’eau
Devant cette fontaine
Où poètes de toutes les époques
Meurent de soif

Entre deux pages
En vis-à-vis
Qui s’interpénètrent ou s’antagonisent

Entre l’œil et la voix
De mots qui crient
Ou murmurent dans la bouche d’ombre

La distance la bonne distance
Le fleuve la fontaine les pages tournées
Et qui retournent
(bon gré mal gré)
Vers la mer où tout s’abolit