À L’ÉCART

À l’écart et avec maladresse

Tu te lances dans cet exercice d’écriture

Dans ta petite église

Il n’y a ni croix ni bannière

Ni Dieu pour te sermonner

À l’écart et avec maladresse

Tu écris sautillant méditant

Sur l’étrange étrangeté qui t’assiège

Tes lignes passent et repassent

Au croisement de chaîne et trame

Faisant ce texte à goût d’inachevé

Il ne faut pas en faire un drame

ÉCRIRE DES POÈMES


C’est dur d’écrire des poèmes
Mais on fait ce qu’on peut
Simplement on s’applique

De Poésie on joue le jeu
En puisant dans les rimes
Et le vocabulaire
Les vocables en aime
Les mots du dictionnaire
De A comme abîme
à Z comme zultime

Et à la fin par honnêteté
On fait suivre la dernière ligne
de l’adjectif… inachevé

PASSAGE D’UNE HEURE SUR LE PAPIER Souvenir d’un libre-senteur Éloge de l’inachevé

Six heures quinze
J’ouvre un œil
Un jour nouveau
À négocier

J’ouvre mon blog
Un lecteur d’Haïti
A lu (c’est étonnant)
Patatratement

Il fait être un poète
Un rien désuet
Pour aligner des vers
Patatratrement
(Une autocitation)

On ne prête qu’aux pauvres
Ces riens sonores
Qu’affectionnaient
Les décadents
Artistes des faubourgs
Albatros déplumés
Ou bien Libres-Senteurs
Comme écrivit Henri
Ce cher Heurtebise 1
Qui « n’est plus »
Depuis le 7 janvier
Au matin
comme m'en informe en ligne
Claude Vercey sur le site de  la revue de poésie Décharge

(J’attends toutefois
Celui avec qui j’eus 
Une longue correspondance
Sa lettre de confirmation)


Six heures vingt-six
(en temps réel)
Je poursuis ce langage
Sur papier
Qui m’échappe à demi
Un mot chassant l’autre
Ou au contraire qui va s’étoilant
De quelques braises inattendues

Six heures trente-six
Merci de patienter
La suite du texte
Tarde à se télécharger
J’ai bien peur
(six heures quarante-six)
Qu’il disparaisse ainsi
Dans le paysage

Mais quelque part aussi
Ça me soulage
Moi qui à la fin
De tous mes poèmes
Et sans barguigner
Écrit le mot 
Inachevé

1 Henri Heurtebise (14 février 1936-7 janvier 2023)

25 janvier 2023 (de 6h15 à 7h15)
Une heure de doux patatras

PARLER AU PAPIER et toujours dans l’inachevé




Je me bats chaque jour -pacifiquement- avec mes pages d’écriture

	(différentes selon les formats de mes carnets, cahiers, 
livres mêmes sur lesquels dans les marges
j’écris)

Je parle comme disait Montaigne au papier
Ou, autrement dit,
Je confonds feuilles de l’être et feuilles de papier

Je voyage dans les mots que ne savais pas 
(cette nuit c’est berloque et talharpa)


Et me frotte aux passages qui me fécondent :
sur la mémoire et l’oubli,
la guerre et la paix,
la dispersion et l’identité,
les exercices de style
et le livre de l’intranquillité

Et toujours dans l’inachevé


Mardi 22 mars 2022


IL PEUT-ÊTRE DANGEREUX D’ENTRER SEUL.E DANS CETTE POÉSIE





L’inflexion des voix chères qui se sont tues
Paul Verlaine


Je ne savais pas avant de les écrire
Que ces vers étaient faits pour ta voix
Douce tendre mais dont les inflexions
Ont - cent fois hélas - disparues

Je lis ailleurs le rappel des croyances
Qui transfèrent nos morts dans un arbre
Une petite pierre Un oiseau Un lézard

Les mythes nous disent comment les libérer
Mais si ici j’en faisais le rappel
L’enchantement serait brisé

Je ne savais pas avant de l’écrire
Que cette page aurait ce goût d’inachevé