POUR ANTONIO TABUCCHI

Probablement n’ai-je pas encore résolu le dilemme de savoir sil s’agit d’un sentiment de culpabilité à l’égard du monde ou plus simplement d’un manque d’élaboration du deuil. A.T.

Mais elle est sans merci la mort qui frappe à l’aveuglette et ensuite que fait celui des deux qui reste ?

Pour l’instant il s’est mis en tête de lire jusqu’au bout Pour Isabel le roman posthume d’Antonio Tabucchi

Il ne sait pas ce que l’écrivain italien, lusitanien et français, avait lui-même dans la testa, en sous-titrant son récit un mandala

En attendant depuis la page 68 l’endeuillé écoute en sourdine Billie

C’est venu de l’épisode  » boîte de jazz » où l’on entend Everithing Happens to me en hommage à Sonny Rollins qui n’en finit pas de faire mourir ses ballades

Tout arrive et je ne doute pas qu’Antonio Tab. aurait été curieux de la confusion entre Isabel disparue sous Salazar et Billie Holiday une voix pour cent vies

Toi être en peine d’esprits en inadéquation avec le réel qui t’entoure  Toi devoir demander purification aux génies de la forêt

Il y a dix ans que j’ai laissé en plan les paragraphes que je viens de relire et partiellement de réécrire.

Depuis le temps, qui sait, mon écrivain mort a expérimenté d’autres coutumes et aventures modifiant son écriture.

Il est temps de conclure ce mandala là, par un point d’inachèvement

Martigues 1er de Janeiro 2025

INACHÈVEMENT

Cette façon qu’a la vie de ne pas finir ses phrases. Claude Roy

Je vous donne le monde afin d’y voir plus clair

L’odeur du chèvrefeuille le moineau  qui pépie trois notes de Messiaen

J’essaie de relier ce qui est séparé

Entre deux draps de lin le langage intérieur qui a maille à partir avec l’inconscient

L’esquisse le fragment un souvenir d’enfance où l’on joue pour de vrai à pauvre petit chat

Et puis soudain l’auteur du poème en train de s’écrire perd de sa béatitude

Il sait il ne sait plus comment boucler ce chant

Il le donne au lecteur qui fera mouvement

Saura t’il conjurer cet inachèvement ?

ÉCRIRE JUSQU’AU DERNIER CARRÉ

Sous l’Histoire, la mémoire et l’oubli,
Sous la mémoire et l’oubli, la vie.
Mais écrire la vie est une autre histoire.
Inachèvement.

Paul Ricœur


La main passe sur le sable
La page d’un jardin zen
Avec ses graves
Semées ici et là

Petites pierres
Petits cailloux
Scrupules que l’on planta
Sa vie durant
À genoux

Depuis l’enfance de l’Art
Jusqu’au dernier carré
Qui restera
-de toutes les manières-
Inachevé







CE N’EST PAS SI SIMPLE





Ce n’est pas si simple d’écrire cette vie

Luttant contre le vide du sommeil

Et son trop plein de rêves





Le vivant touche au mort dans son sommeil

Éveillé il touche au dormeur.

(une traduction d’Héraclite « l’Obscur »)





Vie et vide Somme et sommeil

Plume en son « plume »

Tout poète libre penseur

Sans la musique d’un vers n’est rien





La mort n’y mord

Blason merveilleux tissé par Clément Marot





Ce n’est pas si simple mais l’on essaie

De pièces sortant du four noires et ratées

Aux belles irisées





C’est la Voie

Forgée dans l’inachèvement systématique

Et ce commencement qui n’en finit pas

L’étrange formule qui nous tient éveillé

Et nous réanime