Combien j’en ai bavé des vertes et des pas mûres Le vers me vient ainsi à cinq heur’s du matin Combien j’en ai chanté chansons que l’on murmure Quand ça vaut mieux que d’attraper le scarlatin Combien j’en ai écrit lignes de poésie Où l’on change le monde en choisissant ses mots Devant la page blanche vague cénesthésie Troubles de l’illusion pour apaiser nos maux Combien j’en ai raté des occasions perdues Des concerts de Coltrane des pièces de Shakespeare Reggiani chantant la ballade des pendus Combien j’en ai dicté de regrets et soupirs À la nuit qui enveloppe ce sonnet mes paroles Suis-je ici Suis-je là Je ne sais plus mon rôle 6 juillet 2022
Archives de l’étiquette : pièces
CE N’EST PAS SI SIMPLE
Ce n’est pas si simple d’écrire cette vie
Luttant contre le vide du sommeil
Et son trop plein de rêves
Le vivant touche au mort dans son sommeil
Éveillé il touche au dormeur.
(une traduction d’Héraclite « l’Obscur »)
Vie et vide Somme et sommeil
Plume en son « plume »
Tout poète libre penseur
Sans la musique d’un vers n’est rien
La mort n’y mord
Blason merveilleux tissé par Clément Marot
Ce n’est pas si simple mais l’on essaie
De pièces sortant du four noires et ratées
Aux belles irisées
C’est la Voie
Forgée dans l’inachèvement systématique
Et ce commencement qui n’en finit pas
L’étrange formule qui nous tient éveillé
Et nous réanime
JE NE TROUVE PAS JE CHERCHE
Je ne trouve pas je cherche
Inversant la formule de Picasso
Qui parfois croyait rivaliser
Avec l’autre Artisan
Qui fit le monde en six jours
Et le septième mit ses pinceaux
à sécher
Je ne trouve pas j’essaie
De gloses en entregloses
Dans les pas de Montaigne le Chatoyant
Cherchant cette éjouissance
Dont le travail et le plaisir
si dissemblables qu’ils apparaissent
s’associent pourtant de je ne sais quelle jointure naturelle
Je ne trouve pas je cherche
Dans la limite de cet humain langage
De ses accrocs et pièces déchirées
Que j’essaie tant que vivray
De recoudre et de rapiécer

PAGES D’ATELIER
Beaucoup de mes poèmes sont des pages d’atelier
écrites à loisir et selon…
le rythme de la plume, les citations juste amorcées,
Kairos le moment unique qu’il ne faut pas rater,
la fantaisie,
le croisement des disparu.e.s et des vivant.e.s qui se chuchotent
les mots issus des banalités de la vie ou des réminiscences de poèmes,
les saignées propres à l’Ancien régime,
les chimiothérapies : cet horrible oxymore,
les sonnets en X des symbolistes,
l’ABC du bestiaire de Borges.
Beaucoup de mes poèmes n’en sont pas,
ou bien sont ces petites pièces décousues
collées sur les pages de mes carnets d’atelier
et destinées à leur disparition
Personne n’y verra que du feu
TROIS PIÈCES MANQUANTES RETROUVÉES
TROIS PIÈCES MANQUANTES RETROUVÉES
Notre écriture se forme dans la mouvance des écrivains que nous découvrons.
Leur constellation unique façonne un puzzle dont nous sommes en quelque sorte
la pièce manquante.
Georges Perec
NOTRE INSTITUTRICE DE VIEILLE ROCHE
Sur l’ardoise ce coup de craie
Et toc toc toc cette musique
Que faisaient nos mains écolières
De l’aride calcul des pourcentages
À l’ardeur des dictées mentales
Encadrée d’un bois orné de nos noms
Et tenue par une ficelle
Elle était notre institutrice de vieille roche
Quel plaisir de relire cette formule
Qui perle
Au gosier de Maître Ponge !

UN POÈME QUI NOUS MÈNE EN BATEAU
Le poème te mène en bateau
Ce sont les mots premiers
Qui me sont venus
Mais je ne les ai pas écrits
Bien d’autres entrées
Se sont heurtées
Au refus
Ou à l’indifférence
Poème en absence
Barque légère
Inquiète et têtue*
Montée par les ami.e.s
Du pont des poésies
Et du bon temps de la vie
*Francis Ponge

NOS MOTS FLOTTANTS DU GOUFFRE OBSCUR
Le poème doit beaucoup
à ses conditions d’existence :
Ce petit rectangle de carnet A6 Kraft
L’écriture au lit pendant la traversée des nuits
Mes lectures en pointillé
Et le stylo noir qui fait bruire
Le gouffre obscur
Des mots flottants*
*Victor Hugo
