VIVRE TOUT UN LIVRE

De vivre je fais tout un livre

Je ne devrais pas l’écrire

Mais le dire dans le noir

Sans qu’il y ait de témoins

Histoire d’amortir les chocs

Avec le réel et la réalité

Qui me font pan sur le nez

Ça saigne un peu évidemment

J’éponge avec du coalgan

Et je laisse mes phrases velleitaires

Brûler dans l’atmosphère

C’est ça vivre au cœur d’une langue

Un langage qui vient tout seul

Sans qu’on le cherche ou le demande

LA POÉSIE LA PLUS PURE

Buccale, gutturale, produite par le souffle pulmonaire, la voix humaine est le corps du langage

Par contraste, un tel appelle l’écriture, la morte voix

Une stupidité quand l’écriture, faite pour voir et pour entendre, produit dans la poésie la plus pure, la plus élaborée, cette jouissance issue du rythme et des mots choisis pour leurs capacités euphoniques, suggestives, érotiques, métaphoriques :

La vie est vaste étant ivre d’absence

Et l’amertume est douce et l’esprit clair.

ON VA BIEN VOIR : les mots dignes d’extasiement 13/16

on va bien voir
la bergeronnette jaune
suivant les labours
becquetant les vers 
et les vermisseaux

on va voir
le langage arraché
quand il est chiendent
qu’il étouffe
les mots rares
dignes d’extasiement


on va voir
s’échapper les heures heureuses
sans regrets

26/09/2023 02 :01



LECTEUR FACE AU PELOTON D’ÉXÉCUTION

COMMENT FAIRE LIRE MES ENFANTS me demandent désappointés des parents qui ne lisent jamais en présence de leurs enfants Comment faire lire mes parents questionne espiègle cet ado plongé dans la lecture au long cours de l’Idiot Comment ne pas mettre sous les yeux des non-lecteurs cette phrase d’un certain Charles Louis de Secondat de la Brède plus connu sous le nom de Montesquieu :   L’étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture m’ait ôté Comment cette lecture peut-être aussi déroutante que cette Esquisse d’une psychologie liminaire à travers une porte fermée : -Qui est-ce ? C’est toi ? -Oui c’est moi, c’est moi : c’est bien moi, ton ogre et ton silence, ton abîme et ta vie, ton inconnu, ton dieu, ton épouvante. Comment ne pas aimer ces écarts de langage, bleu angélus, jardin de l’espérance qui se dissout en une palpitation de rayons d’argent et de pétales de roses Ou bien poésie pure, « cette longue hésitation entre le son et le sens » Et face « au peloton d’exécution » quelle sera cette dernière phrase qui me viendra en tête in extremis ? avec Jean Tardieu, Mallarmé, Marcel Proust, Valéry et l’incipit de cien años de soledad : Muchos años después, frente al pelotón de fusilamiento, el coronel Aureliano Buendía había de recordar aquella tarde remota en que su padre lo llevó a conocer el hielo ». Bien des années plus tard face au peloton d’exécution, le colonel Auréliano Buendia, devait se rappeler de cette étrange soirée au cours de laquelle son père l’emmena faire connaissance avec la glace.