LE LIVRE D’UNE VIE EN MILLE ET UN FRAGMENTS

UNE FOIS N’EST PAS COUTUME j’écris ma page A4 « à l’italienne », en regardant les dernières nouvelles du monde qui défilent sur LeMonde.fr, passé minuit, au rythme des minutes 00.15 Les sorties cinéma de la semaine Avatar/Poet/Corsage/les Années super8/in viaggio 00.36 New York va interner de gré ou de force les malades mentaux (en cause 9 homicides commis dans le métro, le dernier causé par Martial Simon 61 ans schizo qui a poussé sur les rails à la station de Times Square Michelle Alyssa 40 ans déchiquetée) 01.01 Angelo Badalamenti compositeur fétiche de David Lynch (bande originale de Twin Peaks) est mort à l’âge de 85 ans 01.10 Quotas de pêche : les États Européens rechignent à protéger l’anguille et d’autres poissons menacés CHANGEMENT DE PERSPECTIVE Je quitte le monde qui souffle et souffre pour la revue ESPRIT la bien nommée J’ai cette fois sous mes yeux une palanquée de livres avec la photo de leurs couvertures et les chroniques des correspondants d’Esprit. Me voilà séduit par les extraits d’un texte dont la lecture transmigre dans nos vies, via quelques détails ténus qui essaiment à la façon du clinamen, ces atomes obliques épicuriens, nous incitant à écrire nous-mêmes ces fragments de notre propre quotidienneté, celle que notre amateur de néologismes nomma à propos, les biographèmes. 1 Ça tombe bien, moi qui à la suite d’un dictionnaire à part moi, publié cet été, poursuis l’écriture du livre d’une vie divisée en mille et un fragments. 01.30 À l’Assemblée adoption du budget en nouvelle lecture après le rejet de la motion de la France Insoumise 01.56 Soumise à la « terreur énergétique »  l’Ukraine obtient une nouvelle aide de ses alliés.

1 Roland Barthes Le plaisir du texte

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

J’ÉCRIS opus 14





J’écris au chant du coq cette lamentation 
Paroles d’un charretier
Dans le va-et-vient
D’une cancion protesta
Des années 30

J’écris entre les lignes
Ce qui semble n’avoir ni queue ni tête
Sur des bouts de papier,
des carnets,
sur le journal Le Monde
qui égrène ses libres opinions
après ses (mauvaises) nouvelles

J’écris comme à présent
en écoutant le petit bruit
que fait le stylo feutre
sur ma page en carton
posée sur un gros livre

J’écris tout étonné
que l’écriture se soit enclenchée
après un bon quart d’heure de feuille blanche

J’écris dès lors comme l’on emboîte 
ou désemboîte
des poupées gigognes 

J’écris si j’en crois Artaud le Momo
Comme un cochon
(toute l’écriture, écrit-il, est une cochonnerie)

J’écris comme hier écrivait Paul Fort à sa Thérèse :
Garde tes dindons moi mes porcs Thérèse
Ne repousse du pied mes petits cochons

J’écris à Saint-Jean-Pied-de- Port
Au pied du col de Roncevaux
Où Roland le Preux perdit son épée
L’épée grince mais ne s’ébrèche ni se brise

J’écris tout étonné de découvrir dans le pommeau de Durandal
Une dent de Saint Pierre
Du sang de Saint Basile
Du vêtement de Sainte Marie…
et un raton laveur

J’écris avec Saint Prévert confondant
Des travailleurs de la paix avec des gardiens de la mer

J’écris comme un ébéniste dans son atelier :
je scie, je rabote, j’assemble, je colle, je plaque, je râcle, je ponce, je vernis, je cire…
Tout ce fatras d’écriture
Qui tombe dans l’oreille des sourds (Rien à cirer !)
Ou dans celles d’aimables complices
(qui applaudissent dans la coulisse)