J’écris au chant du coq cette lamentation
Paroles d’un charretier
Dans le va-et-vient
D’une cancion protesta
Des années 30
J’écris entre les lignes
Ce qui semble n’avoir ni queue ni tête
Sur des bouts de papier,
des carnets,
sur le journal Le Monde
qui égrène ses libres opinions
après ses (mauvaises) nouvelles
J’écris comme à présent
en écoutant le petit bruit
que fait le stylo feutre
sur ma page en carton
posée sur un gros livre
J’écris tout étonné
que l’écriture se soit enclenchée
après un bon quart d’heure de feuille blanche
J’écris dès lors comme l’on emboîte
ou désemboîte
des poupées gigognes
J’écris si j’en crois Artaud le Momo
Comme un cochon
(toute l’écriture, écrit-il, est une cochonnerie)
J’écris comme hier écrivait Paul Fort à sa Thérèse :
Garde tes dindons moi mes porcs Thérèse
Ne repousse du pied mes petits cochons
J’écris à Saint-Jean-Pied-de- Port
Au pied du col de Roncevaux
Où Roland le Preux perdit son épée
L’épée grince mais ne s’ébrèche ni se brise
J’écris tout étonné de découvrir dans le pommeau de Durandal
Une dent de Saint Pierre
Du sang de Saint Basile
Du vêtement de Sainte Marie…
et un raton laveur
J’écris avec Saint Prévert confondant
Des travailleurs de la paix avec des gardiens de la mer
J’écris comme un ébéniste dans son atelier :
je scie, je rabote, j’assemble, je colle, je plaque, je râcle, je ponce, je vernis, je cire…
Tout ce fatras d’écriture
Qui tombe dans l’oreille des sourds (Rien à cirer !)
Ou dans celles d’aimables complices
(qui applaudissent dans la coulisse)