673 LES MOTS DÉBORDENT Je les retiens Les mots du bord Qui crient détresse Je les contiens Les hache menu Trois feuillets par nuit Trois poignées de sable Pour ce dictionnaire Où l’imaginaire Sans fuir dans les mots faciles Tient tête au réel
674 L’ATELIER DE POÉSIE On s’amusait dans l’atelier Sans hâte liés aux mots aux gestes qui nous multipliaient Aux grandes feuilles collectives Aux petits carnets de nos secrets Je te donne euphorie Tu lui donnes promesse Elle murmure boa Ou peut être bois Et la magie opère Il faisait un temps de poèmesEt la saison semblait éternelle
675LA GRANDE OURSE secoue son collier D’où se détache la Croix du Sud On entend un éclat de trompette venu du Bœuf sur le Toit Un cri nu sur la toile L’oiseau sort d’une goutte de sang La nuit tourne ses pages
UNE FOIS N’EST PAS COUTUME j’écris ma page A4 « à l’italienne », en regardant les dernières nouvelles du monde qui défilent sur LeMonde.fr, passé minuit, au rythme des minutes 00.15 Les sorties cinéma de la semaine Avatar/Poet/Corsage/les Années super8/in viaggio 00.36 New York va interner de gré ou de force les malades mentaux (en cause 9 homicides commis dans le métro, le dernier causé par Martial Simon 61 ans schizo qui a poussé sur les rails à la station de Times Square Michelle Alyssa 40 ans déchiquetée) 01.01 Angelo Badalamenti compositeur fétiche de David Lynch (bande originale de Twin Peaks) est mort à l’âge de 85 ans 01.10 Quotas de pêche : les États Européens rechignent à protéger l’anguille et d’autres poissons menacés CHANGEMENT DE PERSPECTIVE Je quitte le monde qui souffle et souffre pour la revue ESPRIT la bien nommée J’ai cette fois sous mes yeux une palanquée de livres avec la photo de leurs couvertures et les chroniques des correspondants d’Esprit. Me voilà séduit par les extraits d’un texte dont la lecture transmigre dans nos vies, via quelques détails ténus qui essaiment à la façon du clinamen, ces atomes obliques épicuriens, nous incitant à écrire nous-mêmes ces fragments de notre propre quotidienneté, celle que notre amateur de néologismes nomma à propos, les biographèmes. 1 Ça tombe bien, moi qui à la suite d’un dictionnaire à part moi, publié cet été, poursuis l’écriture du livre d’une vie divisée en mille et un fragments. 01.30 À l’Assemblée adoption du budget en nouvelle lecture après le rejet de la motion de la France Insoumise 01.56 Soumise à la « terreur énergétique » l’Ukraine obtient une nouvelle aide de ses alliés.
manuscrit premier jet en passant à l’écriture clavier (ci-dessous) le texte a été dégraissé
« ON OUVRE UN PETIT LIVRE ON TOMBE SUR QUELQUES FRAGMENTS, tout à coup on s’aperçoit que ces fragments, on aurait pu les écrire, on se retrouve en eux et, à chaque relecture, on éprouve le même bouleversement, la même surprise inépuisable » 1 Chaque nuit entre deux sommes, on vogue toujours et encor, vers l’île d’un poème incertain, tournant et retournant nos feuilles d’encres pourpres dans la colère ou les ivresses pénitentes 2 On ouvre un opuscule au hasard, on tombe sur un empereur de l’ancienne Chine qui a tout abandonné, l’ivresse du pouvoir et ses palais, pour, dans le secret, écrire un livre et construire un labyrinthe, sans penser qu’un livre en construction doit avoir les mêmes lois que celles du labyrinthe, il faut prévoir les moyens d’en sortir, sinon c’est le chaos. Le cas est présenté dans la nouvelle intitulée Le jardin aux sentiers qui bifurquent : Le jardin aux sentiers qui bifurquent est une énorme devinette ou parabole dont le thème est le temps, cette cause cachée qui interdit la mention de son nom. Omettre toujours un mot, avoir recours à des métaphores inadéquates et à des périphrases évidentes, est peut-être la façon la plus démonstrative de l’indiquer. » 3 Ainsi ce fragment 624 que l’on vient d’écrire comme une suite ou un pied de nez au défi borgésien (le lecteur jugera) : Tu n’as ni royaume ni cheval Mais ce minuscule oiseau au bec de plume qui vient la nuit te visiter et te permet sur le papier de murmurer tes petits secrets. Ou bien, cette autre amorce d’un texte qui fut publié par un éditeur de la rue Racine à deux pas du théâtre de l’Odéon : Tu as perdu le compte des jours mais pas des nuits Ces nuits où pas à pas tu grapilles un peu de cette éphémère existence que par un tour de passe-passe tu as réduit à Une minute d’éternité 4
Le temps bifurque perpétuellement vers d’innombrables futurs. Borges. Dans l’un de ces futurs passés, vous lisez ce fragment, le jour du solstice d’hiver (ce 21/12/2020), dans un autre vous faites une partie d’échec avec Ts’ui Pên, qui gouverneur du Yunnan renonça au pouvoir temporel pour écrire un roman en forme de labyrinthe, dans un troisième, d’un pinceau minutieux, vous écrivez sur un papier jadis cramoisi, maintenant rose et quadrillé, comment être moderne en étant anachronique, catachronique, parachronique, achronique, etc… Daniel Oster 1938-1999 Rangements
hypnographies dorio 11 juin 2022hypnographies en vis à vis Dorio 11/06/2022