JE VOIS CE QUE TU NE VOIS PAS
Je vois le soleil de nuit dansant la sardane sur un mur de Miró
Je vois le couloir entre la cuisine où nous vivions et…l’étable des vaches
Je vois le corridor et ses carreaux à fleurs bleues entrelacées
où je jouais au palet à la marelle et à tous les jeux de Rabelais
Je vois le bateau et la neige et la fleur de souci
les beaux vers et que sais-je l’estragon de la nuit
l’attente des nénuphars quand Monet prend le frais
le cri des canotiers Pulchérie! Népomucène!
Je vois et n’y vois goutte
mes poches sont trouées
et nul frou-frou au ciel
Je vois le père Prévert sous l’œil de son copain Doisneau
avec son ballon de rouge et son toutou à ses pieds
sur le quai Saint Bernard près de la Seine
Je vois Sainte Victoire
Ligne incertaine
Vague chapeau de gendarme
Morceau de craie
Je vois des vaches s’envoler de leurs prés
changées en vautours ou en chevaux légers
Et c’est l’homme de maïs de Miguel Angel Asturias
qui approche et me dit titubant :
– Hermano tu es cette fleur jaune
dans le va-et-vient du temps.

je vois Mathis (7 ans) et Jean Jacques (77 ans) faire danser leurs personnages noirs