PATCHWORK IN PROGRESS


POÉSIE MODE D’EMPLOI
écriture sans rature
mais avec le clavier
il n’est pas interdit
de modifier






C’est une page qui remue comme un serpent

C’est un page écrite sous les yeux de musiciens jazzant à Vienne

C’est une page écrite à la fin d’un long silence





C’est un souvenir d’enfance

C’est un souvenir d’enfance écrit soixante ans après

Celui qui l’écrit regarde ce qu’il est devenu dans la glace

avant de s’y mettre vraiment

C’est un souvenir d’enfance qui dévasta un petit enfant sans histoires

C’est un souvenir d’enfance Ô vous frères humains d’Albert Cohen





C’est un mouvement qui ne peut cesser

Si l’on en croit les théoriciens des vers

C’est un mouvement en voie d’extinction

Si l’on en croit les praticiens des vers

C’est un mouvement





C’est un roman qui commence par l’annonce d’une catastrophe

C’est un roman qui commence par nommer le mort victime de la catastrophe

et le supermarché qui dans le même temps s’est effondré

C’est un roman qui commence par ce souffle puissant propre aux catastrophes

C’est un roman catastrophique





C’est un lecteur

C’est un lecteur fâché avec l’unique libraire de sa ville

C’est un lecteur qui fait venir ses livres par la Fédération Nationale d’Achat des Cadres

C’est un lecteur qui aime briser les cadres

C’est un lecteur qui lit quatre ou cinq livres en même temps

C’est un lecteur qui écrit sur tous les livres qu’il lit

exceptés les livres de poésie

qu’il recopie





C’est une manière d’écriture du soir en attendant le film d’Arte

C’est une manière de donner le change aux chaos qui s’enchaînent

quand vient la nuit

C’est une manière d’instrument de recherche

C’est une manière de ralentir

Attention Travaux

13/01/2020
temps d'exécution
une heure environ

À MES LECTEURS DE BONNE FOI

C’est icy un livre de bonne foy, lecteur.

Les Essais de Montaigne





Je n’aurai jamais le temps de me prendre au sérieux

Ni – rassurez-vous –de me pendre au réverbère





Je n’aurai jamais le temps de lire tous les livres qui m’entourent

Mais chacune de leur page qui me renouvelle me fait oublier

La peur de ne pas parvenir au bout du voyage





Je n’aurai jamais le temps de réparer toutes les pièces qui me constituent

Mais j’aurai ouvert mes lignes à ce lecteur de bonne foi :

Il ne sait rien au juste mais son énergie en mouvement réside

dans le transport du corps de l’esprit et des sens





« Ayant l’expansion des choses infinies

[…] Qui chantent les transports de l’esprit et des sens »

Baudelaire (Correspondances)


	

CE QUE C’EST TOUT DE MÊME QUE DE NOUS

  
Suggestion :
pour jouir de ce petit texte et résoudre son énigme
n’utilisez pas le bréviaire de Saint Google svp
 
Ce que c’est tout de même que de nous
Je recopie au milieu de la nuit le premier décasyllabe
qui me vient en tête
laissant au lecteur le soin d’en retrouver l’auteur
Ce que c’est tout de même qu’enfanter des suites de mots
que l’on couche sans réfléchir sur le papier
Ça vous saisit comme un rêve éveillé
nous dit le premier psychanalyste venu
On laisse aller la main qui écrit
et qui permet à l’esprit de battre la campagne
Notez bien que je n’ai pas écrit « battre la compagne »
Cette comparaison m’aurait valu peut-être les tribunaux
Mais plus assurément "la fessée"
 
 
 
nb vérification faite l'auteur de la chanson a écrit
Mon Dieu ce que c'est tout de même que de nous
"La fessée" en effet se décline en alexandrins

QUE C’EST TENTANT UNE FEUILLE BLANCHE

(texte en cours)





que c’est tentant une feuille blanche comme neige

tant va la plume bleue noire rouge ou verte

qu’elle s’y déploie « passe au travers »

– expression mystérieuse je vous l’accorde

suggérée par l’égyptien errer





plume nomade qui trace lignes listes inscriptions

tant et tant qu’à la fin peut émerger

une forme inédite





surtout il est vrai si tout lecteur s’y met lui aussi

toute lectrice s’y attèle prend à son tour la plume

le calame le stylo bic et s’adonne

au recopiage à la main

tout en parlant à son papier





il ne faut pas non plus s'interdire

quelques modifications approximations méprises :

la chair des textes ainsi choyée doit être joyeuse

et nos pages blanches féconder


	

EMBROUILLAMINI

  

Petites goulées de sommeil
Puis je reprends mon livre
Qui écrit ? Je - pour sûr ?
 
Il me dit qu’il étudiait Droit
parce que Philosophie
n’était qu’une matière destinée
aux enfants et aux sœurs (monjas)
(Je traduis du castillan)
 
Petites goulées d’air de la nuit
Un amour de fraîcheur
tant la chambre a chauffé tout le jour
 
Le livre en 86 chapitres fait la recension
de tous les écrivains
qui un jour on dit Stop :
« Non je n’écrirai plus une seule ligne »
Témoin ce Lord C. qui entra en crise
Quand il comprit que les mots étaient un monde
Qui ne disaient rien de la vraie vie
 
La lune à la fenêtre me regarde narquoise
Ce 3 août 2019
Soixante ans exactement après que Borges
Eût écrit une de ses variations infinies
Sur les tigres :
 
Au tigre des symboles j’ai opposé
Le véritable, au sang brûlant
Celui qui décime les troupeaux de buffles
Et dont j’imagine l’ombre
Ce jour, 3 août 1959,
Passant avec lenteur sur la prairie
 
Ce passage fut repris le 3 août 1999
Par l’hyper-bartlebyen Enrique Vila-Matas
Dont je suis cette nuit les chapitres
Je pense à l’autre tigre
celui que moi aussi je cherche en vain,
Au-delà des mots…
 
Il faudrait creuser tout cela
Ces 3 août en miroir
Les tigres réels et les autres
Tout cet embrouillamini
Que j’abandonne au ciel de nuit
Et au lecteur hypothétique
Qui n’est pas dans le poème
Mais qui peut-être de passage
A envie un bref instant de l’habiter