JE FAIS DES LISTES

manuscrit « tel quel »




Je fais des rêves qui me font et me défont

Je fais des fièvres des maux de tête des quintes de toux

Je fais des poèmes des mots de rien de doutes et de secrets

Je fais des prières au Grand Manitou et à la déesse Raison

Je fais des délices à goût de réglisse et de calissons

Je fais des bêtises des blagues et des pastiches

Je fais des vers qui se brisent à l’hémistiche

Je fais des listes répétitives sur mon arc musical

Kits de survie ouvertes à tous les sens 














UN ÉCRIVANT IMPÉNITENT





J’écris comme ça vient. Et quand ça ne vient pas, je n’écris pas.

J’écris dans le secret des nuits, sous la lumière pâle de mes sept lustres (et demi).

J’écris en essayant d’être le moins possible « personnel ; c’est le défaut majeur des joueurs de rugby, qui oublient de faire la passe à leur partenaire mieux placé qu’eux pour marquer l’essai.

J’écris dans le vertige des mots et des choses, de soi et des autres qui ont merveilleusement écrits et qui nous donnent le vertige des listes, « entre l’exhaustif et l’inachevé.» (Georges Perec)

J’écris formellement sans me formaliser.

J’écris fort de café, laissant à la main entraînée la possibilité de filtrer entre événements réels et imaginés.

J’écris l’éclair et le deuil, le vocable sorti de derrière les fagots ou puisé par Montaigne ou Queneau, le rhizome « qui peut être brisé en n’importe quel point et reprendre en suivant une nouvelle pousse.» (selon Deleuze et Guattari)

J’écris sans rien de commun avec qui je suis. (un peu tout de même)

J’écris en vain mais « quand personne ne me lira » (Montaigne), j’aurai fait mon possible, alléluia, pour donner une forme au multiple et au singulier.

J’écris comme peignait Miró à partir d’un grain de poussière sur la toile, d’une inflexion de voix chère qui ne s’est pas encore tue, du fagot dans ma chambre quand j’avais une cheminée (qui tirait), de la forêt de pins d’Alep qui a brûlé cet été, de la cabane sans cesse commencée qu’imagine et fabrique mon petit fils âgé de 5 ans, à côté de l’étang de Pourra aux mille flamants. (hier 22/12/2020)

J’écris avec le tremblement heureux de mon ignorance et les 750 volumes de la Pléiade qui forment l’ADN de chacun des Sapiens.

J’écris comme ça vient. Et quand ça ne vient pas, je n’écris pas.