LA PORTE DE MA MAISON D’ENFANCE

hypnographies dorio 03/08/2016




Cette rue qui longeait la rivière

Je ne l’emprunterai plus

Et la porte de ma maison d’enfance

Que nécessité me força à mettre en vente

N’est plus qu’un panneau de bois dur

Fermé pour moi à jamais





Mais je laisse là les souvenirs sans suite

J’ouvre la fenêtre

et laisse entrer quelques instants

la fraîcheur sur la passe maritime

d’une première nuit de septembre





Un poème nouveau m’attend

dans sa discontinuité essentielle

et son essai de recomposition





L’éclair d’un geste

Qui ouvre sans le vouloir

La porte de ce poème

Comme un éventail





LA MAISON D’ÉCOLE

UN DICTIONNAIRE À PART MOI
(enfance...suite)

la maison d’école

l’école était au centre du village grande bâtisse imposante dont je ne me suis jamais demandé qui l’avait faite construire par qui et pour qui – regrets tardifs – maison d’école réservée aux couple d’instituteurs qui occupaient les pièces du premier et aux élèves dans les salles du bas – petites classes à gauche dirigées par la maîtresse Madame G. ou Madame D. et grandes classes à droite mais salles séparées où officiait son époux Monsieur – c’étaient des maîtres quasi sacrés des « régents » en occitan réjints – pour la prononciation –  quand je les rencontrais enfant je n’étais pas tranquille – disons – je levais mon béret, je formulais distinctement bonjour monsieur – plus prosaïquement nos instits étaient gavés de victuailles venues des tueries de cochon du vin des vendanges des lapins poulets pour mes parents et des produits du jardin bien que nos régents issus eux aussi de parents paysans savaient cultiver le leur – un jardin leur était attribué –

comment j’appris ou je n’appris pas à lire

l’école était la priorité des priorités le lieu d’où sortait le savoir le vrai mis à part le bran rabelaisien que j’ai plus haut évoqué (pas ici) j’y entrai pour des raisons plus nobles comme un phénomène – déjà je savais lire avant de commencer ! –  en réalité j’avais appris par cœur un petit livre où je m’assimilais à un ours tournant les pages au moment opportun mon grand-père Vidal me l’avait peut-être enseigné un de mes premiers souvenirs d’enfance est celui de sauter sur ses genoux entraîné par ce cheval imaginaire – ahi ! coco ! – qui me faisait passer du pas au trot et du trot au galop au galop et tout ça avec le bruit des sabots en bois avec des lanières de caoutchouc – quant te coustéron les esclops quand eron naous – combien t’ont coûté tes sabots quand ils étaient neufs

LA MAISON POÉSIE la seule où il fait bon vivre





LA PETITE GRÂCE

30 12 2008





L’écriture est une grâce mais elle n’existe que grâce à de multiples tentatives

qui oscillent entre impasses et petits bonheurs de(s) sens

Les mots alors s’insèrent dans la chaîne d’une conversation

depuis longtemps commencée

et que nous avons l’illusion qu’un(e) autre prolongera

quand nous aurons quitté la scène





AU SOLEIL DES LOUPS

30 12 2009





Le soleil des loups

Etait cette nuit

Tranchant sur la joue

De ce drôle d’Inuit

Ce pâle voyou

Défaisant syntaxe

Muselant son biniou

Poète contumace*

Sur le pont des rimes

Soufflaient figurants

Cupidon novice Diane et le team

De tous les dieux chébrans

Ça faisait la noce

Ça râlait pas mal

Entre mots d’Eros

Et gouttes de Tantale

Et puis au matin

Finita la tra

Montane et l’hallali

Les loups le tradéridéra

Poème bu jusqu’à la lie…

E la nave va!





* Le poète contumace (Tristan Corbière)





QUE SAIS-JE DU TEMPS ?

30 12 2010





On ne prend pas le temps avec des pincettes

Il pousse le temps il prolifère

Que sais-je du temps ?

Question sans réponse

mais non sans approches

sans voix amies pour le dire en secret

loin d’une quelconque maîtrise égotiste du temps

Échanges Passages Reconversions

du silence dans les textes qui nous touchent

que l’on tâte et que l’on suit des yeux

Braises éphémères des tropismes

du dictionnaire de Montaigne*

de tous les grands et petits récits depuis la nuit des temps

jusqu’à  l’aurore des paroles ès poésies

Temps dont on suit les ruisseaux et les fleuves des mille et un styles

Voix autres et métaphores qui font passer

– comme au théâtre quand il nous sublime –

le frisson sacré du temps…





* J’ay un dictionnaire tout à part moy :

je passe le temps quand il est mauvais et incommode;

quand il est bon, je ne veux le passer, je m’y tiens.

Montaigne





QU’ELLE ÉTAIT BELLE MA PROSTATE

30 décembre 2011





Dans un lit de clinique j’appuie sur la commande

Qui m’assied, me redresse, afin d’écrire, enfin,

le fin mot du dernier mouâ, mois de décembre.

Échec et mat : Qu’elle était belle ma prostate

Voguant, avant qu’elle ne devînt apostate

et qu’il fallût qu’on l’amputât, la scélérate !

Montée, descente, roue de fortune, chariot

qui brinquebale, chants du cygne, de grillons.

Ici, ailleurs, on est étain et puis de fer,

taureau, vautour, fleurs de rosée, argent et or.

Hermite au pied léger, liberté voletant,

Tu bâtis de guingois la maison Poésie

la seule où il fait bon vivre, poisson soluble

des deux jarres, le Corps de chair, l’Esprit de lutte.

Pour tâcher d’y voir clair, je lève dès matin

le filet des paroles ignorées d’un public

endormi et bercé par les fausses promesses.

Parfois, souvent, les rêts ne montrent qu’un grain

de lumière rauque, qu’il faudra transférer,

jardiner, tisonner, chanter au bord du gouffre…

Dans la paix souriante, mais non regrettante

comme écrivait Stendhal en ses galanteries.

Le Poète m’honore de ces brefs commentaires

«  C’est de plus en plus ardu d’ « Aimer l’Utopie »

Mais peut-être est-ce de plus en plus nécessaire. »*

Résister page à page et sans démériter !

Rareté et trouvailles, pour terminer l’année,

Je m’exerce au chinois, multiples caractères

Qui peu à peu m’accaparent et m’ouvrent à la voie.

Savoureux, ça vous rend heureux, comme un enfant

Qui joue dans le couloir des siècles silencieux.





*Philippe Jaccottet





AIMER L’UTOPIE

Jean Jacques Dorio

Encres Vives