Il y a un demi-siècle, et plus, que je parcours un livre avant de m’endormir.
Cette nuit c’étaient ces lignes cocasses de Colette évoquant le voisin d’un jardin attenant,
qui bêchait parlant à son chien blanc qu’il teignait au 14 juillet « la tête en bleu et l’arrière-train en rouge. »
À mon réveil, un peu avant 7 heures, je reprends « Sido », stupéfait, étonné et ravi,
d’apprendre que cette mère unique réveillait l’été sa gamine à trois heures et demie !
La petite « Beauté, Joyau-tout-en-or », s’en allait « un panier vide à chaque bras, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues ». Revenant à la cloche de la première messe, mais pas avant de s’être saoulée des fruits sauvages recueillis et d’avoir goûté l’eau de deux sources perdues.
Quand sa plume lui dicte ce dernier souvenir, l’écrivaine qui a atteint les trois quarts de sa vie,
souhaite qu’ « au moment de tout finir », la saveur des sources emplisse encore sa bouche, « et que j’emporte, avec moi, cette gorgée imaginaire*… »
Avant de tout finir, formule ouverte à tous les vents.
Ce matin du lendemain de Noël 2020, c’est Mistral fou qui retient un temps mes volets.
Durant ses derniers jours, ma femme, ma « semblance », ma moitié, ne voulait plus qu’on les ferme la nuit.
Elle voulait encore goûter la saveur des étoiles, le pâle dernier reflet d’un monde qui allait la quitter.
*Et que j’emporte entre mes dents un flocon des neiges d’antan. Brassens (Le Moyenâgeux) Hommage à François Villon