MA VIE À MOI

MA VIE À MOI à toi à tu Ma vie parlée et ma vie tue Ma vie l’esprit débordant du cadre de mes photographies (du bébé joufflu au dernier portrait que m’aurait fait Nadar allongé dans mon plumard) Ma vie rêvée l’ai-je bien fantasmée ? Ma vie d’un « je » ouvert par la littérature d’un reclus célèbre couchant sur le papier les vies de personnages de salon qui se croyaient immuables quand tout leur monde était en train de disparaître Ma vie à moi écrite en maints poèmes sur les ardoises du toit Ma vie donnée dans l’abécédaire d’un dictionnaire à part moi Ma vie du vieil homme et la mer Ma vie de Montaigne à sauts et à gambades Ma vie délibérément anachronique « vie fugitive » « vie devant soi » Ma vie de vieux muet assis dans le métro lisant le capitaine Fracasse en bande dessinée Ma vie croisant ces mots de l’auteur de la vie mode d’emploi : « Un père éternel » réponse « Lachaise » Ma vie de bâtons et de lettres disparaissant dans des cartes et feuillets noircis en secret entre soi et soi entre moi noir chevelu et moi blanc dégarni Ma vie et moi et toi ma conscience de l’instant qui vient séance tenante m’en libérer

UNE VIE ORDINAIRE en mille et un fragments

en cours d’écriture

UN AUTRE QUE MOI

Maintenant c’est un autre-que-moi on dirait qui écrit ces lignes avec ma seconde main droite -puisque je suis droitier- ou peut-être la gauche, la plus gauche des deux, qui veut entrer dans la partie, la partie fabulatrice qui n’enseigne point mais raconte Oui, c’est un autre-que-moi qui se lance à l’assaut de ses (j’hésite) : ses hétéronymes, version Pessoa, ses fantaisies– voire fatrasies, ses écritures de seconde main (toutes faites de citations) ou ses exercices d’écriture quotidien, tout simplement. L’autre que moi, l’ogre à part moi, c’est eux et elles, ceux et celles que je lis, comme nul autre pareil, la nuit dans mon lit (Lili aime-moi ! écrit Maïakovski avant de faire couler la barque de sa vie) L’autre-que-moi c’est celui qui entre de plain-pied dans son écriture, résolument et sans tourner autour des procédés rhétoriques qui consistent à s’attirer la bienveillance de son lectorat en se faisant pardonner par avance la faiblesse de ses propos, captatio benevolentiae terme consacré que je recopie d’autant mieux que l’école publique ne m’a pas fait cadeau d’un enseignement de latin-. L’autre que moi, pour faire un contre-pied à ce trop long paragraphe c’est l’Amiel de son Journal intime : J’entrevois, j’entrebaîlle, j’entreprends mais je n’entre pas. 

ET MOI ET MOI ET MOI

ET MOI ET MOI ET MOI Moi n’a aucun intérêt. Je l’affirme mais ne signe pas. Ce serait oublier, tous ces moi moi moi, que ma manie d’écrire, a fixés, années après années, en des carnets, cahiers, agendas. Autant de moi épinglés, comme l’on faisait jadis, des lucanes, scarabées, papillons, mouchettes et doriophores. Un jour, ils passeront à l’as. J’aurai quitté le lieu.  En attendant, j’écris. Livre de sable, grain grain des jours uniques et des mille et une nuits. J’écris entre mémoire et oubli, l’histoire d’une vie. Mais ceci est une autre histoire. Inachèvement (ajoutait le philosophe Paul Ricœur)