ON VA BIEN VOIR : un ami disparu qui écrivait dans L’Homme 5/16

on va bien voir
mais il est à craindre
que ce ne soit pas 
un animal merveilleux
du temps où les bêtes parlaient

on va voir
cet ami disparu
qui écrivait dans L’Homme
la revue d’anthropologie

on va voir Maleiwa
fabriquer avec de la glaise
de Goajira
un homme éleveur
et sa femme cheval
une jument fécondant les mythes
d’un Monde Autre

on a bien vu
on a bien fait parler le papier
cette nuit où Rêve
a chanté à nos oreilles
ces paroles venues
à cor et à cri

Jean Jacques Dorio 18/09/2023 01 :01


l’été sans mer je meurs

premier bain de mer l'été sans mer je meurs à petit feu
entouré d'enfants qui rejouent le mythe des origines
ils courent à la mer ils passent le sable au crible
ils n'arrêtent pas de bâtir des châteaux qu'ils croient éternels
et surtout ils crient ils rient ils portent l'eau des poètes
de sept ans à soixante dix sept ans dans le plein soleil
l'azur les bateaux de maman qui ont des ailes
toutes les émotions rêves et désirs que l'on dit au papier
devant la mer qui nous vient du dedans
comme un étourdissement passager

Fos sur Mer 24/08/2020 
et pour le dernier bain 09/09/2023
"c'était hier ce matin là
c'était hier c'est loin déjà"


JE SUIS MANGÉ PAR L’ÉCRITURE

Je suis mangé par l’écriture qui me ravage et me ravit
Qui couche sur ma page des personnages qui nagent
Ou qui s’envolent comme des oiseaux

Je suis l’envol des étourneaux qui hésitent
Mais qui finalement se posent
Sur mes lignes à haute tension

Je suis en deuil d’une femme
Qui emportait dans son sac rond 
en paille ou en rafia
le dernier « rompol » de Fred Vargas
(suivant avec délices les enquêtes d’Adamsberg)
ou de Dona Léon
(nous faisant partager la vie du commissaire vénitien Brunetti)

Je suis ce précipité de filiation
Tourné vers le passé
(comme ce chemin des mythes amérindiens
« qui reculent vers le futur »)
Ou glissant de signifiants en signifiés
Vers l’écriture de bienheureuses parenthèses

(une écluse s’ouvre nous changeons de niveau avec nous-même)

griffures blanches dorio 02/08/2023

sur la reproduction de « peinture abstraite »

Ad Reinhardt 1963 152,4×152,4 cm exposé au Moma

SISYPHE DE LA NUIT

ÉCRIRE LE DÉTAIL LE DÉTAIL DU DÉTAIL au risque de se perdre d’esquisses en esquisses Reprises de fragments d’une perle baroque au passé composé : longtemps on s’est hasardé à confondre les états de veille et les états de rêves, leurs écarts et leurs résonances Longtemps on a tissé leurs pièces décousues et ( comme dit la chanson) On a roulé carrosse On a roulé sa bosse  Telle le roc des ténèbres d’un Sisyphe de la nuit Celui que l’auteur du mythe revisité imagina « heureux » 1 Libre de colporter, dans ses réécritures acharnées, sensations et images, personnes et personnages, souvenirs réactivés dans leurs moindres détails Un lecteur créatif 2 s’est nourri de ces voix qui promettent des mondes, celles qui parlent dans les bibliothèques, et celles qui disent : c’est ici qu’on vendange « Les fruits miraculeux dont votre cœur a faim » 3

1 Albert Camus (Le mythe de Sisyphe) 2 Marcel Proust à propos de Baudelaire 3 Charles Baudelaire