une petite heure pour décliner mes paroles sur le papier une petite heure du côté de l’écriture dans le mano a mano de la lettre et de l’esprit une petite heure en a parte à l’écart de la rumeur du monde une petite heure où l’émotion, sans crier gare, au détour d’un visage sur papier glacé, point une petite heure sans points ni virgules sans phrases préméditées une petite heure où l’on donne carte blanche à la fantaisie et à l’imaginaire une petite heure sur la carte grise des drames actuels et de la guerre une petite heure où l’on passe Poutine à la moulinette de Jean Christophe Averty une petite heure dans l’hôpital de poèmes à réparer d’urgence une petite heure où la plume gratte la peau d’un palimpseste qui résonne comme un petit tambour une petite heure dont les dernières lignes me sont offertes par Maître Charles Baudelaire comme montent au ciel les soleils rajeunis après s’être lavés au fond des mers profondes
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COMME UN SECRET
On a besoin sans doute de sa tendance à être en retrait, inactive, subsensible*, d’une certaine façon étrangère, lointaine, non participante, parente du végétatif, du secret, de l’envers. Henri MICHAUX *mot inventé une fois une seule (hapax)
le secret – chut ! ne le dis pas – je suis « un amoncellement de choses désassemblées » 1 – je suis toi moi elle – tiens à ma connaissance Pessoa ne s’est pas inventé d’hétéronyme féminin – le secret – non je ne suis pas qui je suis – si tu vois ce que je veux dire !- moi postiche moi pastiche – le secret du secret – work in progress – mais qu’est-ce que tu fabriques ? – j’écris en secret tu le vois bien – ah !ah ! – je chuchote je balbutie dans l’indifférence de la rumeur du monde – en secret avec ceux et celles qui partagent avec celles et ceux qui transforment les paroles en semences d’écrits en empire de capacités – je tresse patiemment ces liens qui nous délient – avec ceux qui la vie durant creusent leurs objets de connaissance – pour tâcher d’y voir clair – ma chère mon cher je vous suis reconnaissants de votre identité ainsi bariolée comme celle d’un.e indien.ne en fête visage de rocou et chants adressés au mythe des origines –si on te demande moustique ce que dans la vie tu fais réponds – chut ! c’est un secret
1 Jean Vilar Chroniques romanesques
J’ai été l’embryon dont je ne sais plus rien aujourd’hui. L’enfant de cinq ans dont je me souviens si peu. L’adolescent dont j’ai oublié tant d’émotions. Le sentiment d’identité émerge d’un remodelage permanent de la mémoire par l’apprentissage de la nouveauté. S’émerveiller, entreprendre, découvrir, recommencer autrement, nécessitent sans doute une part importante d’oubli, d’abandon, de recomposition, de recréation… Jean-Claude Ameisen La sculpture du vivant
*
La poésie est une métaphysique instantanée. En un court poème, elle doit donner une vision de l’univers et le secret d’une âme, un être et des objets tout à la fois. Si elle suit simplement le temps de la vie, elle est moins que la vie; elle ne peut plus que la vie qu’en immobilisant la vie, qu’en vivant sur place la dialectique des joies et des peines. Elle est alors le principe d’une simultanéité essentielle où l’être le plus dispersé, plus désuni, conquiert son unité. Gaston BACHELARD

BOIRE un blanc sec ou l’œuvre au noir
BOIRE
Il y eut un temps, c’était à l’École Normale, où, avec quelques camarades, j’avais pris le goût de boire. Je me souviens qu’un soir où je flottais entre ciel et terre je me sentis porté à écrire quelques pages sublimes ; la plume volait ; mais au matin ce n’était rien, ou plutôt c’était un parfait exemple de la bêtise dont je pars toujours ; car il n’est pas de jour dans mon existence où je n’aie eu à surmonter à part moi quelque sottise de belle apparence. Or, en ce cas-ci, je m’étais admiré, j’avoue alors que j’eus peur de moi, et que ce fut fini de l’alcool…Alain
Boire jusqu’à plus soif Boire c’est pas la mer à Boire un café sur l’pont des Arts Boire du noir à Zanzibar Boire un blanc sec Boire un Zola des Rougon-Maquart Boire les sermons de Maître Eckhart Boire un coup prendre un verre de Sancerre Boire pour se saouler de paroles et de bruit Boire en levant le coude Boire en trinquant à la nouvelle année Boire systématiquement (pour oublier les amis de ma femme (Boris Vian) Boire en révisant la conjugaison du verbe au subjonctif imparfait Boire du Vichy sous le régime de Pétain Boire en pétard contre la terre entière Boire la tasse de mare nostrum Boire en chantant l’eau de la claire fontaine Boire quand le vin est tiré Boire du gros bleu qui tache Boire la lumière de l’aurore Boire du regard sa dulcinée Boire Beauvoir (Mémoires d’une jeune fille rangée) Boire la ciguë en donnant sa dernière leçon de philosophie Boire le calice jusqu’à la lie Boire en sonnant l’hallali Boire du petit lait de la chèvre Amélie Boire un jus d’ananas en lisant Nana (var. en attendant sa nana) Boire un vin des Costières à l’abbaye de Saint-Gilles du Gard Boire l’œuvre au noir de Marguerite Yourcenar Boire à la Saint–Médard (ou quarante jours plus tard) Boire un britannicus au Bouillon Racine Boire cette suite jaculatoire jusqu’à plus soif
COMMENT ALIMENTER UN BLOG DE POÉSIE
Paroles de paroles
Font rôle sur la scène
Ou bien un monologue
Où le langage agite
Notre for intérieur
Paroles en silence
Nous connaissons aussi
Mais ce n’est pas ainsi
Qu’on peut alimenter
Un blog de poésie
Fabrique d’un poème
Se fait dans l’atelier
Ou en marchant, la tête
Dans les songes d’une page
Qui joue sur le papier
PAROLES VS PAROLES
NON paroles
ne sont pas
d’évangile
du Coran
de la Bible
De ces livres
Qui nous tuent
Dieu terrible
Et qui arme
l’abruti
le débile
OUI paroles
sont fragiles
qui hésitent
malhabiles
comme Achille
immobile
aux grands pas
et Cécile
le prénom
de ma fille
NON paroles
fanatiques
frénétiques
archaïques
qui fabriquent
les massacres
et l’horreur
OUI merci
aux Lumières
à Voltaire
aux laïques
à la Paix
d’une Éthique
partagée
trisyllabes d’octobre

land art photo Pauline Dorio midi heure de New York 31/10/2020