LA POÉSIE LA PLUS PURE

Buccale, gutturale, produite par le souffle pulmonaire, la voix humaine est le corps du langage

Par contraste, un tel appelle l’écriture, la morte voix

Une stupidité quand l’écriture, faite pour voir et pour entendre, produit dans la poésie la plus pure, la plus élaborée, cette jouissance issue du rythme et des mots choisis pour leurs capacités euphoniques, suggestives, érotiques, métaphoriques :

La vie est vaste étant ivre d’absence

Et l’amertume est douce et l’esprit clair.

UN PAS APRÈS L’AUTRE

à petits pas

à pas comptés

à pas rythmés

comme les pieds

antiques : spondées

dactyles et peste

des anapestes

à pas chaloupés

à la manière

d’un funambule

qui danse sur un fil

de la grosseur d’un doigt

à pas de chance d’exister

sur les chemins

d’une écriture errante

mais qui cherche

jusqu’au bout

un mot après l’autre

à aller de l’avant

J’AIMERAIS

En donnant à lire mes poèmes j’aimerais être utile à tous ceux qui pensent que toute poésie est inutile 
En me laissant aller à la fantaisie j’aimerais donner des ailes à celles qui rêvent d’être assises sur la selle d’un chameau ou d’un dromadaire
En prenant le contrepied de la recherche du temps perdu j’aimerais renoncer à tous mes souvenirs pour aller chaque jour en toute innocence de l'avant
Et enfin j’aimerais que ceux et celles qui ont lu ce qui précède le prolongent dans leur tête en sirotant un verre de madère

À QUOI SERT LA POÉSIE ?

- À quoi sert la poésie ?
- À vivre mieux premièrement
À desserrer l’étau du quotidien
À écrire dans un style contraint
Entre le son et le sens
À épuiser les manières de dire
ce que n’est pas la poésie
- Mais  encore me demande-t-on
Je donne alors une raison plus personnelle
-Je crois que si je n’avais pas écrit des poèmes
comme d’autres font de la danse, de la musique (avant toute chose)
ou du théâtre, je serais devenu fou.

(Une folie douce sans doute peut-on penser mais le reste du dialogue s'est évaporé)




J’ÉCRIS TROP J’IMAGINE à dada sur mon papier

J’écris à propos de tout et de rien

J’écris du vent dans les branches de sassafras 1

J’écris ça à ma petite lingère

J’écris pour le luth et pour les cœurs simples

J’écris pour ma grand-mère la dictée éternelle de son certificat d’études

J’écris des petites choses qui font plaisir qui flattent ou qui embêtent 2

J’écris des œuvres anthumes pour la postérité

J’écris en feuilletant les écrits des autres

Ces pages d’un temps autre

Ce temps vécu en la contrée étrange

D'une poésie où j'ai souvent
L'illusion d'être ange




1 René de Obaldia (22 octobre 1918-27 janvier 2022) 2 Émile Berr (6 juin 1855- 9 octobre 1923)