MA VIE À MOI

MA VIE À MOI à toi à tu Ma vie parlée et ma vie tue Ma vie l’esprit débordant du cadre de mes photographies (du bébé joufflu au dernier portrait que m’aurait fait Nadar allongé dans mon plumard) Ma vie rêvée l’ai-je bien fantasmée ? Ma vie d’un « je » ouvert par la littérature d’un reclus célèbre couchant sur le papier les vies de personnages de salon qui se croyaient immuables quand tout leur monde était en train de disparaître Ma vie à moi écrite en maints poèmes sur les ardoises du toit Ma vie donnée dans l’abécédaire d’un dictionnaire à part moi Ma vie du vieil homme et la mer Ma vie de Montaigne à sauts et à gambades Ma vie délibérément anachronique « vie fugitive » « vie devant soi » Ma vie de vieux muet assis dans le métro lisant le capitaine Fracasse en bande dessinée Ma vie croisant ces mots de l’auteur de la vie mode d’emploi : « Un père éternel » réponse « Lachaise » Ma vie de bâtons et de lettres disparaissant dans des cartes et feuillets noircis en secret entre soi et soi entre moi noir chevelu et moi blanc dégarni Ma vie et moi et toi ma conscience de l’instant qui vient séance tenante m’en libérer

CHANSON D’AUTOMNE ET DE FIDÉLITÉ

Oh ! l’automne l’automne a fait mourir l’été


Guillaume Apollinaire

Je pense donc je suis n’est pas ma tasse de thé
Je pense au petit café où nous avions rendez-vous
Je pense au jukebox et au citron pressé
Je pense à nos têtes qui tournaient
Aux sons de mon manège à moi
Je pense aux flonflons de la fête
Et aux toiles de Manet
Je pense aux froufrous de ta robe soie
Ce 22 septembre où pour toi je chantonne
Cette chanson d’amour et de fidélité


sur mon cahier d’écolier un dessin du 27 mars 1972

POCHE (un dictionnaire à part moi)

POCHE 

Dans ma poche il y a de petits morceaux d’argile de la Goajira Une indienne au visage peint en noir nous fit ces petites formes à tête d’oiseau Sans mains sans pieds Mais avec une assise callipyge

Il y a aussi ces fragments d’os de seiche recueillis sur notre plage de Fos que j’ai recouverts de signes que tu appelais mes chinoiseries et que j’ai baptisées hypnographies

Il y a tes dernières paroles que tu m’écrivis les yeux humides sur le canapé un matin de ce printemps maudit

Il y a tout ce que je suis en train de rassembler pour te reconstruire Et qui m’échappe à jamais

Dans ma poche Sur ma page Dans ma tête ouverte à tous les sens Et qui brise les cadres de ce pauvre petit texte Sans voix Sans toi

Une entrée sur 222 d’un dictionnaire à part moi

à commander chez son libraire ou à se procurer sur le site de l’éditeur

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

Vénus Goajira qui me fut donnée en 1970 posée sur mes hypnographies

FRAGMENTS BRISANT LE CADRE DE MON PETIT TEXTE

Dans ma poche il y a de petits morceaux d’argile de la Goajira

Une indienne au visage peint en noir nous fit ces petites formes à tête d’oiseau

Sans mains sans pieds

Mais avec une assise callipyge

Il y a aussi ces fragments d’os de seiche recueillis sur notre plage de Fos

que j’ai recouverts de signes que tu appelais mes chinoiseries

Il y a tes dernières paroles que tu m’écrivis les yeux humides

sur le canapé un matin de ce printemps maudit





Il y a tout ce que je suis en train de rassembler pour te reconstruire

Et qui m’échappe à jamais

Dans ma poche

Sur ma page

Dans ma tête ouverte à tous les sens

Et qui brise les cadres de ce pauvre petit texte

Sans voix

Sans toi