Mon ange en miaulant s’assied sur mes genoux
Étrange dit Queneau
Être âne réplique Prévert
On a les deux pieds dans la fange
Il est temps de sortir une histoire de rechange

Jean Jacques Dorio Un poème inédit par jour
Mon ange en miaulant s’assied sur mes genoux
Étrange dit Queneau
Être âne réplique Prévert
On a les deux pieds dans la fange
Il est temps de sortir une histoire de rechange

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MORALE ÉLÉMENTAIRE : UN ROI POUR LE CINÉMA
-Alors qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? -Dans la nuit brune au clair de lune là où s’embourbe le dernier fiacre de la monarchie angloise, sous les vivats ! -Ah ! Charles III. -Oui et Guillaume le Conquérant leur premier souverain venu de Normandie. Futurs brumeux. En courant les rues surgissent parfois les rois mages inconnus dont le passant las ne déchiffre pas l’errance et le but. Le passant et les télévisions qui confondent la réalité avec la réalisation d’un spectacle kitsch en mondovision. Futurs instables, futurs révélés, Nostradamus sur ses grands chevaux court à travers les siècles des siècles : le roi des Îles perdra ses confettis du Commonwealth, un homme qui ne s’attendait pas être roi promptement le remplacera. Calculs incertains. Baratins lointains. Barati baratin, je puise dans la presse pipol et surtout dans le dernier ouvrage du Mage Queneau qu’il intitula Morale élémentaire. La carriole de l’Oulipo va cheminant et parfois recule. On dévide des fils de soie qui tissent des robes en or qu’un vieux monarque et sa mounaque portent avec allure et ridicule. Le cinéma édulcore ça.
ALORS QU’EST-CE QUE T’AS ÉCRIT CETTE NUIT ?
-Alors qu’est-ce que t’as écrit cette nuit ? -Chut, c’est déjà 4h44 et je commence à peine à fendre les flots. Je me réveille d’un rêve idiot où avec une foule indistincte je devais faire une traversée du désert, quand je m’apercevais que j’avais oublié mes lunettes de soleil. Il ne me restait plus qu’à attendre le clair de la lune. -Mon ami Pierrot ! -Non, Pierrot mon ami, plutôt. – Késako ? -Ah ! je vois que tu ne connais pas le père Queneau. -Mais si. S’il s’agit de Raymond un professeur de quatrième m’a fait lire et inventer à mon tour ses Exercices de Style. -Parfaitement, il a écrit 99 fois la même histoire, celle d’un type, d’un mec, d’un gonze, d’un monsieur quoi, qui aperçoit dans un bus un homme coiffé d’un chapeau qui se dispute avec son voisin. -Et à la fin, si je me souviens bien, le narrateur (j’ai appris la notion à ce moment-là), revois son bonhomme à la gare Saint Lazare, en présence d’un autre gus qui lui fait une remarque sur le bouton de son pardessus. – Exact. Il ne restait plus qu’à Raymond l’ami des exercices de style que de lister et d’employer ces figures dont certaines nécessitent l’emploi d’un dictionnaire spécialisé (les litotes et autres synchyses, homéotéleutes, paréchèses…) -Nous on s’était contenté d’exercices plus simples comme l’emploi du présent, ou du passé simple ou composé, et aussi des fantaisistes écritures en javanais, en java à trois temps ou jazz syncopé. -Oui, sans oublier l’arc-en-ciel, semblable au sonnet des voyelles ou le philosophique à tendance phénoménologique. -Un phénomène ce Queneau, mais tu ne m’as toujours rien dit de Pierrot mon ami. -Hélas comme tu peux le constater ma carte est pleine et mon exercice est terminé. 23/04/2023
Complément 1 : ce qu’en disait Queneau à un Ribemont-Dessaignes
Les Exercices de Style : je suis parti d’un incident réel, et je l’ai raconté d’abord douze fois de façon différente, puis un an plus tard j’en ai refait douze autres, et finalement il y en a eu quatre-vingt-dix-neuf. On a voulu voir là une tentative de démolition de la littérature, ce n’était pas du tout mes intentions, en tout cas mon intention n’était vraiment que de faire des exercices, le résultat c’est peut-être de décaper la littérature de ses rouilles diverses, de ses croûtes. Si j’avais pu contribuer un peu à cela, j’en serais bien fier, surtout si je l’ai fait sans ennuyer trop le lecteur.
Complément 2 : une variation mienne cette même nuit du 23 avril 2023
Dans l’X à une heure d’influence de Vénus, une fille d’avril, charmante et sans fil, lit un roman rose qui commence place de la Contrescarpe à Paris. Son héroïne est amoureuse, mais au début on ne sait pas de qui. En tout cas, pas du damoiseau assis à ses côtés et qui essaie, en vain, d’attirer son attention en récitant des fables de La Fontaine. À fin du trajet, n’y tenant plus, la jeune fille d’avril, le regarde droit dans les yeux et lui lance -Et Butor, vous l’avez lu !
QUENEAU ET MOI
Je reviens à l’enfant que nous fûmes Queneau et moi
Lui naquit au Havre un vingt-et-un février en mil neuf cent et trois (signe astrologique : Poisson)
Moi à La Bastide de Besplas (Ariège) dans la chambre de mes géniteurs le vingte- quatre mars mil neuf cent quarante et cinq (signe astro : Bélier)
Ses père et mère étaient merciers
Les miens petits paysans
Petits car s’ils possédaient leurs terres c’étaient quelques arpents
On le mit en nourrice qui lui tendit ses seins
Ils allèrent acheter une vache aux mamelles abondantes mais qui hélas me provoqua forces chiasses
Son père débitait des toises de soieries des boutons de l’extra-fort et des rubaneries
Le mien labourait ses champs du terre-fort semant orge (pommelle) et blé, plantant maïs, soignant sa vigne (de madame, c’était son nom) élevant quelques vaches qui procuraient du lait que les villageois venaient quérir le soir avec leurs pots
C’est ma mère qui à la louche les servait
Elle s’occupait aussi des volailles et des couvées
La mère de Queneau (sa « pauvre mère » dit-il allez savoir pourquoi ?) avait une âme musicienne et jouait du piano
Il était fils unique
Comme bibi
Et comme moi encore il alla à l’école apprendre Bâtons Chiffres et Lettres
Dans un livre qui a pour titre les quatre mots précédents Queneau se soumet à un entretien à la question « Comment avez-vous commencé à écrire » il répond : « J’ai commencé vers cinq ans je crois et il en résulta des bâtons et des pâtés…et puis, comme un certain nombre d’adulte, j’ai persévéré. Il m’a fallu de la persévérance, parce que quand on a publié mon premier poème dans une revue, je devais avoir dans les trente-cinq ans. »
Moi j’en avais trente et ça s’appelait Papiers hygiéniques il y avait huit prosèmes et l’un faisait état (je m’autocite) d’ « une petite voix de flammes et d’allumettes rouges léchant le cul des mots »
Queneau vécut 73 ans immensément connu inspirateur créateur avec le mathématicien Le Lionnais de l’Oulipo -« Est-ce que vous avez peur comme tout le monde ? » lui demandait le même interviouveur : L’avenir n’existe pas pour moi Je suis très imprévoyant, répondait l’impétrant
J’écris ce texte (icule) à 78 berges et nul (ou presque) ne connaît mes talents mais je n’y pense pas je poursuis l’écriture de mes proses et poèmes alternatifs ligne après ligne jusqu’à L’Instant fatal
Un coupeur de cheveux en quatre un amateur Qui use d’écharnoir pour tailler son poème Et la toile émeri pour gratter les hommages Loin du poète à luth ou du joueur de go Une bouche avalant à grands traits la lumière Et non « la bouche d’ombre » d’où sort Victor Hugo D’une vieille maman un fils de tortillance Qui enroule ses vers de mille impertinences Un engendreur de bric de Bonnard et de Braque Poète trimégiste Hermès patron des scribes Ses ailes de géant se mettant à marcher Parcourant tous les rhumbs de l’un à l’autre pôle Tenant à bout de main la plume flegmatique Repoussant les sanguins bilieux mélancoliques Aimant les chats du Parthénon de l’Acropole Maniant les vers blancs les dés les diatribes Donnant la nourriture aux hommes égarés Aux enfants des eaux et des airs aux doux Lettrés Et d’un vers à un autre halant tous les lecteurs Des coupeurs de cheveux en quatre des amateurs italiques Queneau Petite Cosmogonie Portative 6° et dernier chant