ADIEU VIEILLE VIE ! BONJOUR VIE NOUVELLE !

une brèche dans le soir




ADIEU VIELLE VIE ! BONJOUR VIE NOUVELLE !





C’est comme une brèche, dans le soir d’été, qui naît peu à peu.

Au fur et à mesure, l’ombre s’étend sur le carré de pelouse et les arbres du jardin.

C’est comme une hache qui commence à abattre les arbres de la Cerisaie.

Mais ici la pièce se déroule dans un livre.





Je relis plusieurs fois cette scène poignante entre Lopakhine, le nouveau propriétaire,

et Varia, la gouvernante de la famille en partance,

dont peut-être, il pourrait demander la main.





Deux petites pages de phrases, sans grand relief, ponctuées de silences.

Tchekhov a-t-il hésité, imaginé un autre dénouement ?





Après leurs brefs échanges, on appelle Lopakhine qui sort.

Varia assise par terre, la tête posée sur un ballot de vêtements

préparés pour le départ, sanglote sans bruit.





J’entends la voix de miel de Marcel Maréchal,

qui jouait Lopakhine à la Criée de Marseille, en 1993.

Il vient de quitter définitivement la scène de la vie.

Sans retour. Et sans un dernier salut à la salle.





Il me revient, ce soir, de cette écriture

qui finit à présent dans le clair-obscur,

d’imaginer que cet acteur,

exceptionnel en son temps,

et que le public oublia,

vit toujours.





  • – Adieu, maison ! Adieu, vieille vie !
  • – Bonjour, vie nouvelle !




09/07/2020

QUELQUES LIGNES POUR UN POÈME

il faut peu de lignes pour faire poème
il s'agit de composer 
avec des cantilènes
écrites par un.e autre que toi
sur des braises que tu tisonnes
"tel jour telle heure en telle année"*

Ce soir par exemple entouré d'"espigaous"
qui se balancent au vent léger
tu regardes ton rosier sévillan
au rouge presque parfait
et tu laisses les fourmis
manger tes pieds

*léo ferré 

assis au jardin
15 juin 2020



entouré d’espigaous qui se balancent au vent léger





IL PLEUT SUR LE CARREAU





Gouttelettes sur le ciel sombre

De cinq heures du soir





Mais par la voix et la voie des rythmes

Nous voilà relançant la machine





Avec le souffle des baleines blanches
Avec les mots inventés qui ne sont dans aucun dictionnaire

Pour le vers régulier qui me découpe en deux

Pour la page qui tourne et me fait bifurquer





Aujourd’hui hier il y a un siècle

Il pleut doucement sur la ville*





*Verlaine





05/03/2020

5 heures du soir

JE PRÉFÉRERAIS VOUS PARLER DU SOIR

On se donne en donnant.

Et si on se donne, c’est qu’on se doit, soi et son bien,

aux autres.

Marcel Mauss





Je préfèrerais vous parler du soir

Encore un qui vient

et qui devrait apaiser la violence des jours actuels :

le monde d’en bas où des bagarres éclatent

pour entrer dans les rames

le monde d’en haut

ça hurle et ça klaxonne

les gens deviennent des bêtes*









Je préférerais vous parler de la douceur du soir

de l’aube affaiblie chère à Verlaine

de l’émotion réitérée de ceux et celles qui prennent conscience

d’avoir gagné leur journée

et de pouvoir enfin profiter de l’apaisement

de l’amitié de la confidentialité

mezza voce





Je préférerais vous parler des correspondances secrètes

entre les textes et les musiques

les associations de pensée

l’énergie bienveillante d’un monde

qui semble en voie de disparition





*Le Monde 17/12/2019