TEXTE À DEVINER PEU À PEU


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manuscrit
le fond est de Fabienne Verdier





TEXTE À DEVINER PEU À PEU
C’est à n’y pas croire
 
il ne faut pas croire que le texte que vous lisez va s’écrire tout seul au fil de l’épée de la plume en pensant à autre chose mais vous pouvez le croire si ça vous chante il ne faut pas croire que ce texte est un tissu d’abstractions comme on dit à tort de l’art soi-disant abstrait cosa mentale cependant il l’est un peut tout de même on y a réfléchi mais une fois lancé c’est une autre paire de manches il ne faut pas croire que mon texte est hors-sol sans fond tréfonds fondements sillons creusés dans la terre cultivée par mon père Noël Dorio dont le travail quotidien s’appelait un journal il ne faut pas croire que ce foisonnement verbal n’est pas fait de coupures d’arrêts de pannes d’écriture de sentiers qui bifurquent comme dans les fictions de Borges où l’image de la bifurcation n’est pas celle de l’espace mais celle du temps il ne faut pas croire que le temps consacré à cet espace soit matière à penser le discours de la méthode car il ne faut surtout pas prendre pour argent comptant le je pense je suis mais ce que je suis c’est ce que je deviens le deviner peu à peu, le suggérer : tel est le rêve. Préférer Stéphane Mallarmé à René Descartes, c’est, vous l’avouerez, à n’y pas croire.

MONOLOGUANT JE DIALOGUE





Monologuant je dialogue

Dans le fournaise de l’esprit

-L’instant engendre-t-il la forme ?

-La forme nous fait-elle voir le temps ?





Je dialogue avec le Songe

-Que reste-t-il de nos amours ?

Il est resté comme un abîme

Entre ma vie et le bonheur*

*Nerval





Je dialogue avec mon double

Qui se fragmente chaque nuit

-Mais quel est ton mot de passe ?

-Recherche du « Comment vivre »





Je dialogue a volo avec le temps perdu

-Mais comment t’appelles-tu ?

-René.e Renaissance





Je dialogue avec ce chat mort et vivant

créé par ce physicien farceur

dont j’ai oublié le nom

-C’est ta contribution à la relativité généralisée

je suppose ?

-Oui c’est l’esprit même de mes poèmes

qu’on ne sait sur quel pied danser.





Je mets en dialogue le texte et le sous-texte

-Tu penses à quoi mon cœur ?

-À l’impensé ma belle !





Je dialogue avec mes toiles peintes d’acryliques

et d’encres projetées

-C’est un art expressionniste non ?

-Oui, mais ce n’est peut-être qu’une

impression soleil levant.





Je fais dialoguer la chouette de Minerve

et le hibou baudelairien

-Et ça donne quoi ?

-Des plumes éparpillées au matin

sur mon oreiller.





Je dialogue avec tous ces textes de papier

que je lis sans cesse

et relie au palimpseste

des pièces perdues ou inachevées