JE VOIS LES MOTS

Je vois les mots une fois posés sur la page vierge mais je m’en vois pour qu’ils adviennent et d’ailleurs parfois je ne peux les voir en peinture

À d’autres moments par un heureux hasard les mots font apparaître un monde disparu qui était dans la coulisse

Ainsi la cueillette des simples sur la colline des Martigues qui surplombe ma maison fait apparaître la place aux herbes peinte par Camoin que tant nous admirâmes au musée de l’Annonciade

Je vois les mots au-delà de la mort de celle qui alors m’accompagnait dans le musée de Saint Tropez parce qu’après sa mort je désire que sa grande force lui dure

ON VA VOIR CE QU’ON VA VOIR

On va voir ce qu’on va voir y compris les yeux fermés On va voir des écrivains mauvais comme des cochons On va voir  le corps d’un dormeur du val enveloppé dans des draps de coque d’oeuf On va voir des cygnes qui sur le point de pousser leur dernier chant se noient dans la rosace de la cathédrale d’Amiens On va voir un homme soluble dans le dictionnaire Larousse illustré On va voir une lime à ongle  scier les fondations de la tour Eiffel On va  voir ma mère qui est toujours là chanter la madelon à l’angle de la rue de la Paix et de la place de l’ Opéra On va voir deux Esquimaux chanter la ballade des mots exquis On va voir cette présence reliée à l’enfance de l’art le chemin de la fin qui recule vers le futur ou vers le néant c’est selon

DES PHRASES SOUFFRI-SOUFFRA

Je vois des phrases SOUFFRI-SOUFFRA comme un opéra de Cobra sur l’Ukraine

Je vois les arbres de mon jardin qui viennent de se coucher pour dormir leur nuit

Je vois le fil de l’horizon qui serpente et fait entendre la musique de Tubular Bells

Je vois la mer se retirant de la Cordillère des Andes

Je vois la mousse rongeant la moumoute de l’absurde président des States

Je vois SOUFFRI-SOUFFRA la tragédie shakespearienne sur l’Ukraine

ON VA BIEN VOIR : dernière carte 16/16

on va bien voir
dernière carte d’un jeu
venant du Musée du Prado

on y a vu
des lecteurs égarés
devant ces lignes
qui ont multiplié
leurs formes et apparences

on y a vu
les yeux fermés
le papillon de Tchouang Tseu
et la musique si lointaine
de vers improvisés

et maintenant
tous feux éteints
après le mot « fin »
tout peut recommencer

Jean Jacques Dorio 29/09/2023 01 :34