SONNET DU CRÉTINOS









Et il arrive que le sonnet nous fasse dire

Ce que nous ne pensons pas

André Ughetto 1





Personne ne t’a sonné

Dit le sonnet qui s’amuse

À faire bisquer René

Philosophe sans sa Muse





Ainsi l’art de moquer

renaît Je pense et j’en use

Car dire : bon, d’accord, ok,

C’est faire douter Janus.





Mon crétinos, * dit Maman

à Marcel, que de bêtises

sur le papier tu attises !





-Mais ne crains rien, c’est pour Hahn,

Reynaldo sur son piano

Chantera mon Cogito.





1 Trois pièces d’histoire de Provence

Éditions Tituli (2021)

*Conversation avec Maman Marcel Proust (Contre Sainte-Beuve)

BEC DE FREUX









La nuit jaillissante et son bec de freux

Jacques Roubaud





Bec de freux

Kah Kah Krah

Le corbeau

D’Edgar Poe





Bec de freux

Frauduleux

Oiseau de malheur

Venant visiter

Sur le minuit lugubre

Le poète abattu

D’avoir perdu

Sa Muse





Bec de Freud

Sublime nécessité

De l’instinct de mort

Jamais plus

Never more

tableau (détail) de Zao Wou-Ki

L’BAL HABILE À BILBAO





Bilbao Te fais pas d’bile

Bilbao ne va pas te laisser en rade

C’est un bon prélude pour ta sérénade





Bilbao une chanson de Boris Vian

Sur une musique de Kurt Weill

Chantée avec ce qu’il faut de gouaille

et de raffinement

par la divine Catherine Sauvage





Bilbao cette nuit te tient en éveil

L’bal à Bill À bilbao n’a pas d’âge





Bilbao vieille lune tapée par la main amie

de Blaise Cendrars

La ville lui rappelait

 Au risque de passer pour un imbécile

un décor de Picasso

(Si j’ai bonne mémoire)





Ou peut-être du douanier Rousseau

Celui qui mit sur toile la Muse inspirant le Poète

Marie Laurencin et Apollinaire





Voilà où m’a conduit mon imaginaire

Avec ce dernier vers ultime pirouette


	

COURS VITE ET VA LOIN

manuscrit avec hypnographies : jj dorio
la clownesse Cha-U-Kao
Toulouse-Lautrec (1895)

COURS VITE ET VA LOIN





Une voix intérieure me fait vibrer les lèvres

Je ne sais quelle muse obscure de la nuit

M’emporte au royaume où les morts et vivants

Croisent leurs expériences





Je vois les acrobates préparant leurs prouesses

Sur la boule lovant leur corps de serpent





Je vois Cha-U-Kao cette clownesse peinte

Par l’artiste nabot génie de la palette





Je fais du Grand Palais un bazar où l’on peint

La vie des grandes filles les secrets de famille





À minuit sonnerie mes rimes s’assonancent

Ma cavalière rit effeuillant la mémoire

Ses dents sont rouge sang Cours vite et va loin

Ici tout n’est que cendres





cours vite et va loin voix

SOIS LE LÉGER L’AILÉ

fragment sur papyrus
attribué à Callimaque 




la victime du sacrifice

doit être aussi grasse que possible

mais toi garde la muse mince

sois le léger l’ailé

fragment d’un poète grec de l’Antiquité





avec ironie avec tendresse

tu te lances dans cet exercice

sans fin dans ta petite église





avec ironie avec tendresse

il n’y a ici ni curé ni croix

ni dieu qui te terrorisent





avec ironie avec tendresse

tu écris sautillant méditant

sur l’étrange étrangeté

qui t’assiège





avec ironie avec tendresse

tu remues ciel et terre

avec ta petite pelle d’enfant

de trois pommes

et d’un scoubidou









avec ironie et avec tendresse

avec amour qui se lit amor

au croisement de deux langues

à contre sens





avec ironie avec tendresse

léger légère légèrement





avec ironie avec tendresse

petites fourmis prêteuses

des eaux et forêts

des arbres de lumière





avec ironie et tendresse

tes lignes passent

et repassent

au croisement de chaîne

et trame





avec l’armure fragile

d’une recherche

qui restera inévitablement





inachevée