JOURNÉE (un dictionnaire à part moi)

JOURNÉE

Une bonne journée pour demain
Une journée sans tv barbecue culs bénis
Une bonne journée d’ébéniste de gammes d’artistes
Une journée sans le parti F Haine sondages de journalistes
Une bonne journée de listes d’objets qui ne se trouvent dans aucun magasin de l’hexagone
Une bonne journée de poupée fétiche et de marionnette porte-bonheur
Une bonne journée pour Max Ernst au camp des Milles
Pour les chardonnerets les lézards amoureux
Et mon petit fils
Mathis

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

SALUT L’ARTISTE !

« Marine le matin » Guy Toubon monotype acrylique (11,5×14 cm)




À Guy Toubon





Je lis, au dos d’un carton, « monotype » original, dont m’a fait don mon ami T, « Salut l’artiste ! » (sic),

mais je ne sais pas, à vrai dire, à quelle part du « moi », ce « salut » est adressé.

« Al otro, a Borges », me souffle malicieusement le maître incontesté (formule un peu creuse, non ?), du dédoublement.

Je me hasarde alors, imitant l’auteur de Ficciones, d’écrire que de cet autre (Dorio, en l’occurrence), j’ai des nouvelles par courrier postal (rarement, mais toujours tout de même) et par courrier électronique, « le courriel » de nos amis québécois, quotidiennement.

« Salut l’Artiste », c’est tout un poème, un jeu avec le « je », qui persévère, dans une fugue, en contrepoint, d’un « moi » massif et quelque peu ridicule, passé à la moulinette de métaphores qui ne sont dans aucun dictionnaire.

Je ne sais pas, pour terminer par une note borgésienne, lequel des deux, de « moi-même » ou de l’Artiste, a écrit ce feuillet d’un hiver où les vrais « artistes », pour cause de maladie contagieuse, n’ont plus voix au chapitre.





16/01/2021

COMPOSTELLE





Je n’ai pas fait le chemin de Compostelle

Avec un solide gourdin pour éloigner les chiens.





Je n’ai pas été jongleur, marionnettiste,

Encore moins dompteur de puces ou artiste.





Je n’ai pas fait mes classes de conscrit

Ni joué de l’orgue de Barbarie.





Je n’ai pas connu le zouave du pont de l’Alma

Ni fait le compte de mes joies et de mes peines

Sous le pont Mirabeau de Guillaume Apollinaire.





Je n’ai pas fauché le vent

Comme le jardinier des Misérables.





Je n’ai pas planté mes choux dans « mon jardin imparfait,

nonchalant d’Elle » : la mort, la mort, toujours recommencée.





Je n’ai pas écrit de sonnets pour Cassandre,

Ni de recueils de vers pour « les oreilles d’Amarante. »





Je n’ai pas écrit Paroles ni Les Amours jaunes

Mais cette litanie,

Oui.





Montaigne pour son « jardin imparfait »,

Pierre de Marbœuf pour « Les oreilles d’Amarante »

et quelques autres faiseurs de rimes et de proses.

LE SENTIMENT DES CHOSES

LE SENTIMENT DES CHOSES





Le sentiment des choses :





 le ciel bleu uniformément, une heure avant le coucher du soleil,

après une journée de petites pluies et de percées de soleil en alternance,





ce texte, en cours,  écrit depuis un hamac,

soutenu par un abricotier en train de donner ses fruits de saison

et un amandier,





ce texte écrit à la main sur les deux pages d’un livre dont le passage lu

fait un sort à la notion « d’artiste »,

notion que l’auteur*, comme enragé, pare des « habits d’un mort »

-c’est la « chute ».





Un mort qui, on s’en doute, a perdu pour toujours,

le sentiment des choses.





poscript :

cadeau des dieux, ce texte bouclé, un avion majestueux, passe lentement sur le jardin,

à basse altitude, alors que commence le crépuscule…

il va rejoindre la base voisine d’Istres.





*Christian Doumet (ARTISTE)

Dictionnaire des mots en trop

2017

illustration du texte ci-dessus