MOTS DE PASSE





Il y a des mots de passe que l’on oublie…mais que l’écriture comme par miracle…restitue

C’est comme un jeu…un pari… sans trop y croire on lance les dés…qui sait ?

Qui sait si le quatre ne va pas sortir en premier…suivi du deux…et du un

C’était la belle époque du 421…en buvant sur le comptoir…le pastis…avec des amandes salées…et des olives noires

Avec des sortes de fous rires…et le juke-box qui jouait Petite fleur ou crachait le jus des Chaussettes noires

Mince…ça fait deux « noires »…une blanche…une fine avec un chic d’eau plate

Plate…le mot de passe est venu…Plate est le nom d’une ferme perchée sur une colline d’Ariège…

Au pied de la métairie il y avait une mare…et dans cette mare au printemps croassaient  des grenouilles…gragnotes que nous attirions au bout d’une ligne…avec du farouch une fleur de sainfoin rouge…plantée dans un trident…et les pauvres batraciennes hameçonnées se retrouvaient dans nos musettes…

Musette…muette…mouette…

Trois nouveaux mots de passe…

L’écriture est une vis sans fin…


	

COMMENT DEVENIR POÈTE









L’une des méthodes les plus simples est d’écrire des poèmes

Noir sur blanc lentement mot après mot

Ligne après ligne

À la main sur une plage blanche

En s’excluant pour quelques minutes

Du jeu





Il faut répéter infiniment l’exercice

Toujours avec plaisir

Et pour cela choisir

Un papier un carnet un stylo

Qui nous agrée





Ne jamais faire de rature

Et si jamais un mot vient à la place d’un autre

Comme cette plage qui ci-dessus à remplacer page

L’accepter





Le poème est terminé quand il n’y a plus d’espace

On invente alors un titre

Et on laisse reposer





comment devenir poète

LE SENS DU SENS





– Et le sens du sens dans tout ça ?

– J’essaie de le doubler, mais le diable me rattrape toujours au tournant.

– C’est le double sens ?

– La figure de style, la syllepse qui louvoie entre les sens multiples d’un même mot.

– Une fuite en avant ?

– Un jeu de qui perd gagne.

– Drôle de jeu.

– C’est le jeu de « la vie » :

l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort,

a dit le médecin Bichat.

– Ça biche en quelque sorte !

Biche ô ma biche.*

Une chanson d’amoureux écrite au crayon bleu.





* Franck Alamo





Dialogues intérieurs XXIII

L’ART N’EST QU’UN JEU





1

L’art n’est qu’un jeu

Mais il faut jouer avec la joie

Et le sérieux de l’enfant

Qui s’oublie dans son Je naissant





Je te l’écris « plié de rire »

Et secoué de pleurs

Ça peut aller de pair





Dis la vie quand reviendras-tu ?

Quand sonnera l’heure

De la grande réouverture ?

Du souffle des tragédies

Et des comédies

Déployées sur la scène de la Cour d’Honneur

Ou dans les 24 images par seconde

D’un cinéma où rêvent

Nos inconscients





L’art n’est qu’un jeu

Mais trop masqué

Ce n’est plus du jeu

Mais une mascarade

A dit l’enfant

En tressant son berceau

De laines et de brins d’osier

Dont on fait les rêves





27/01/2021

2

ÉCOLE (et poésies)





J’ai tendu une corde de clocher en clocher,

et je danse.

Mon maître d’école avait inscrit la phrase sur une banderole

qui flottait sur nos têtes.





Moi, quand j’ai été instituteur,

j’ai remplacé le danseur de corde

par Moi dans l’arbre

T’es fou tire pas !

C’est pas des corbeaux

C’est mes souliers

Je dors parfois dans les arbres





Ha!ha! On en a fait des lectures et des variations

sur ce dormeur dans son arbre

Comme « le paresseux » accroché au palmier, au milieu d’une cour d’école,

de Caracas où j’enseignais le français à de jeunes enfants.

Des infantes plutôt, des fillettes à l’esprit vif et sautillant.

-Profé ! profé ! comment dit-on « pereza » en français ?

– On dit « paresseux ».





Dame souris trotte Rose dans les rayons bleus

Dame souris trotte : debout paresseux !





Avec Rimbaud, Vincensini et Verlaine.

3

Écrire n’est pas qu’un jeu…mais un peu tout de même.

Un jeu où l’on écrit avec le sérieux et toute la joie de l’enfant qui joue.

Un jeu où l’on suit des règles, bien qu’on aime les changer tout le temps.

Sauf cette main réglée, sur l’orthographe exacte, sur le sens et le non-sens,

les mots en vadrouille, mais tenus, même en faisant quelques écarts,

par la langue françoise.

On taille, on coupe, on bêche.

Et quand le journal, au sens du travail d’un jour, est fini,

on plante là ses outils jusqu’au prochain exercice,

et on passe à autre chose.

Sauf que, en ce qui concerne précisément, celui qui trace cet écrit,

son journal essentiel, se déroule la nuit.

Comprenne qui pourra.

Ceux qui dorment la nuit sont hors-course.

Les autres, éveillés, mais qui luttent pour dormir,

tournant et retournant leurs insomnies,

font un mauvais calcul.

Quand la nuit remue,

il faut sauter sur son manège,

et laisser aller.

Ça apaise, ça écrit.





13/07/2020

SALUT L’ARTISTE !

« Marine le matin » Guy Toubon monotype acrylique (11,5×14 cm)




À Guy Toubon





Je lis, au dos d’un carton, « monotype » original, dont m’a fait don mon ami T, « Salut l’artiste ! » (sic),

mais je ne sais pas, à vrai dire, à quelle part du « moi », ce « salut » est adressé.

« Al otro, a Borges », me souffle malicieusement le maître incontesté (formule un peu creuse, non ?), du dédoublement.

Je me hasarde alors, imitant l’auteur de Ficciones, d’écrire que de cet autre (Dorio, en l’occurrence), j’ai des nouvelles par courrier postal (rarement, mais toujours tout de même) et par courrier électronique, « le courriel » de nos amis québécois, quotidiennement.

« Salut l’Artiste », c’est tout un poème, un jeu avec le « je », qui persévère, dans une fugue, en contrepoint, d’un « moi » massif et quelque peu ridicule, passé à la moulinette de métaphores qui ne sont dans aucun dictionnaire.

Je ne sais pas, pour terminer par une note borgésienne, lequel des deux, de « moi-même » ou de l’Artiste, a écrit ce feuillet d’un hiver où les vrais « artistes », pour cause de maladie contagieuse, n’ont plus voix au chapitre.





16/01/2021