SEPT POÈMES ÉCRITS DE RANG SANS SE FORMALISER

 

1
POURQUOI DITES-MOI SE FORMALISER
De la bataille des vers souverains
Quand passe une femme brune et plus belle
Qu’un camion de pompier à Brooklyn Clean
me dit un.e poète dont je tairai
le nom Nom de Nom Mon nom est Personne
C’est un épicène Suis-je homme ou femme ?

2

SUIS-JE HOMME OU FEMME JE LÈVE LE POUCE
Je suis celle qui fut mendiante rousse
Je suis celui atroce albatros 
Je me fie à l’écriture inclusive
Sur le sable jeté.e je suis Adamève
Camarade drôle tendre bucolique
Filant la métaphore un poème à mes lèvres

3

UN POÈME À MES LÈVRES MES LIVRES DANS LA NUIT
À l’index au secret suivis par une poignée
D’exégètes des deux sexes Amoureux amoureuses
Des formules où l’on traque l’ennemi
Qui assassine la poésie Aimant plus que tout
Le doute et les expériences en terres inconnues
Exorcismes brisements navigations en nos espaces d’écritures

4

ESPÈCES D’ESPACES D’ÉCRITURES ÇA RAPPELLE LES ATELIERS
Où chacun.e s’attelait à répondre à la consigne
À la découverte en commun de sa singularité
On partait à la chasse d’un gibier
Qui sans cesse se dérobait Levant des lièvres 
Faisant sonner d’antiques cavatines 
Una voce poco fa qui nel cor me risuoño

5

« UNE VOIX IL Y A PEU FIT RÉSONNER MON CŒUR »
Une voie en dalles de cristal de Bohème
Alice y danse et se croit sur le pont d’Avignon
Charmant les belles dames et les beaux messieurs
Faisant des ronds des triangles des carrés
Une voix de métal frappant sur la cloche
De l’écriture un brin métaphorique

6

UN BRIN MÉTAPHORIQUE QUAND POÈMES MURMURAIENT
Ô Saisons ô châteaux Ô Verlaine Ô Rimbaud
Mais c’est fini tout ça
C’est rangé dans les rayons des foires aux vins Château Eyquem
Ou bien c’est une saison dans l’enfer de Star Academy
Les vedettes télé montées sur leurs échasses
Ne sont assises que sur leur cul

7

Promis juré 7 poèmes pas un de plus pas un de moins
Écrits par Angèle et Ange de la Nuit sur la margelle
D’une recherche plus théorique qu’il n’y paraît
Avec sa part de travaux pratiques
Bricolages ludiques : Comment sortir du labyrinthe
Quand sans cesse bifurquent
Temps perdu et Temps retrouvé ?







J’ÉCRIS opus 22





J’écris comme Jean Jacques Dorio

rencontré naguère dans un atelier

où l’écriture ravageait nos vies en poésie





J’écris travaillant l’écriture au corps

Traversé de haïkus et d’aphorismes

J’écris sur le court d’un tennis

Marqué à tout jamais par l’empreinte

du champion Bjorn Borg :

La balle est ronde

Le jeu est long





J’écris long renvoyant dans les cordes

les jeunes hommes pressés

et les jeunes filles en fleur





J’écris de ci de là

en ne pensant qu’à ça





J’écris sous les combles

Sous un vasistas

Où la lumière pleut

(et neige parfois)





J’écris en imaginant Bartok

écrivant ses partitions des Microcosmes

J’écris créant ce microclimat

propice aux pages d’écriture

faisant la navette entre micro et macrocosme





J’écris dans un camping-car Volkswagen

Qui m’a mené naguère

(avant la prise de pouvoir par les Ayatollahs)

Jusqu’à Téhéran





J’écris en oubliant d’écrire souvent

J’écris en me jouant du temps

J’écris en le laissant filer

Ou en l’arrêtant





J’écris sur une table Louis Philippe

ronde en noyer

trouvée sur le bon coin





J’écris sur du papier clairefontaine extrastrong

acheté à Bureau Vallée





J’écris sans confondre mes textes quasi bibliques

avec les bibelots abolis du bon Mallarmé

J’écris avec et contre les sonnets en X

les phrases incises et les ellipses





J’écris sans l’ombre d’un bruit

exceptée cette langue qui caquette

et qui bruit





J’écris sans réfléchir une première ligne qui déclenche le reste

J’écris anche en songeant à mon ami Rambour qui habite rue Franche

J’écris France du nom d’une bergère rencontrée en Mai 68

J’écris Bergère Ô Tour Eiffel

comme Guillaume Apollinaire





J’écris cette aubade inachevée

CHURUATA









Cette nuit, la dernière de juin 2020, j’ai lu, après un premier somme, un passage d’Ateliers, écrit par Jean-Claude Carrière. Il raconte comment il passa une nuit dans l’habitation commune d’un groupe d’indiens Yanomami. C’était en 1989.

J’ai fait une expérience similaire, 20 ans auparavant, hébergé dans une communauté d’indiens Panarés, proches d’un affluent de l’Orénoque, le fleuve qui selon Colomb, prenait sa source au Paradis. C’était d’abord un honneur et une preuve de confiance d’être accepté comme étranger, à partager leur nuit. Ils m’avaient attribué une place, où j’avais posé mon hamac, au fond de la churuata, case collective, dressée comme une cathédrale de palmes.

Alors, quand tout le monde eut trouvé sa place, les couples avec les enfants, les vieux et les vieilles, et les plus jeunes, une voix s’est élevée. Une voix qui, même si je ne comprenais pas ce qu’elle disait, racontait à l’évidence une longue histoire, peuplée d’animaux, d’arbres, d’ancêtres, de récits comiques et tragiques, que l’ensemble de la communauté reprenait souvent, interrompait, prolongeant par des bruits, des souffles, des rires, des  éclats de voix stupéfiants.

UN dictionnaire à part moi
texte en cours

JE SUIS NÉ PARTOUT OÙ J’AI COMPOSÉ DES POÈMES





JE SUIS NÉ PARTOUT OÙ J’AI COMPOSÉ DES POÈMES





Poète est le travail de toute une vie.

On s’y attelle avec le rythme, les cadences,

les histoires réglées sur du papier musique

ou qui tombent à l’eau par incapacité.

Les poèmes apparaissent sur la scène d’un théâtre,

sur un bout de papier vite envolé,

et quand ils sont lus par un plus grand nombre,

ou c’est naturellement,

ou c’est dans le conflit des interprétations.

Les poèmes font les poètes,

comme l’ouvrage, l’ouvrier.

Ils s’écrivent sous l’empire de la colère,

de l’alcool, de la poudre d’escampette.

Ils s’écrivent à jeun, dans la blancheur des nuits,

les musiques douces, les sirènes de New York,

dans le flux et le reflux des mers, des fêtes et des deuils.

Ce poème qui n’en est pas un, fut initié ce jour premier juin,

à midi, dans mon hamac…





mais pour tout dire,

car je ne manque pas de mots,

je suis né partout où j’ai composé des poèmes.

Dans le village de La Bastide de Besplas,

à la faculté des Lettres de Toulouse,

à l’école normale d’Auch, à Arreau,

à Cazaux Débat un village perché sur la Neste du Louron,

au moulin de Jézeau, à Ancizan-Babel,

c’était le nom du collectif de poètes qui se réunissaient

autour des gigots d’agneau qui cuisaient à la ficelle

devant la haute cheminée de briques rouges,

dans une tour à Caracas,

et assis sur une tortue morocoy devant une case collective d’indiens panaré,

dans un hôtel de la Havane et à Jibacoa, une petite crique cubaine,

à La Bugade d’Avignon pendant les ateliers d’écriture

que nous inventions l’été 1980, avec le Groupe Français d’Education Nouvelle,

à New York, en 1976 dans les clubs de jazz du Village,

puis en 2008, chez ma fille à Astoria,

à Barcelone sur les Ramblas et dans le restaurant des Caracoles,

en Andalousie, à Cuevas de Almanzora, à Pallos, à Moguer,

au Prado de Madrid, dans les musées de Washington,

au Moma devant un tableau de Joë Bousquet peint par Dubuffet Traduit du Silence,

au Met, chez Guggenheim,

devant le Parthénon un matin où j’avais couru

pour rester royalement 5 minutes entouré des seuls chats squattant le temple,

à Berlin pendant 2 concerts à la Philharmonie,

à Paris rue de Suez et dans tous les bistrots du Marais ou du Quartier latin.





Et j’en oublie, j’en oublie, j’en oublie.

Et maintenant, je ne bouge plus.

Tous mes poèmes proviennent d’un même lieu

qu’il me faut sans cesse transfigurer,

imaginer ailleurs,

si je ne veux les laisser un à un, mourir et m’enterrer.





UN DICTIONNAIRE À PART MOI
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