JE NAQUIS EN ARIÈGE

JE NAQUIS EN ARIÈGE En quarante-cinq Ah Ris ai-je dit au chat Qui la langue me tire Mon père labourait Semait le blé et l’orge Ma mère cuisinait les produits du jardin le poulet le lapin le canard le cochon l’omelette des poules la soupe au lait des vaches que mon père trayait Fils unique j’étais l’espoir de la famille Instituteur serais Rien de moins rien de plus J’apprendrai za compter Lire faire pâtés D’encre Bâtons et lettres Aux marmots de l’école Plus de porcs de couvées De labours de semailles La mort des paysans La vie d’un enseignant Et voilà tout est dit Le chat s’est endormi Je lui ai donné ma langue Et cet écrit étrange Des débuts de ma vie Avec les animaux Les projets de mes vieux Confidences à mi mots Pensées les yeux fermés Sans flonflons ni enflure Entre rires et pleurs Maintenant que les fleurs Des fêtes de nos vies Ne sont plus qu’avenir Au passé aboli

J’ÉCRIS opus19





J’écris toujours en avance d’une rame de papier

J’écris dans le métro des poèmes métrorimés





J’écris allongé

J’écris une fois la tête bien calée sur l’oreiller

sans bouger





J’écris par intermittence

J’écris en écoutant le corps

J’écris sous sa dictée





J’écris aussi dans ma tête sans laisser de traces

J’écris alors comme les calligraphes de la vieille Chine

J’écris comme Tchouang Tseu

traduit et remis en jeu

par Jean-François Billeter





J’écris à jeun :

la cafetière à portée des écrivains très peu pour ma pomme

J’écris dès que je me réveille d’un premier somme





J’écris sans en faire tout un pataquès

J’écris patac un coup porté sur le nez

(comme on disait dans les bals de mon adolescence

quand entre bandes rivales ça se frittait)





J’écris avec beaucoup de fritures sur la ligne

J’écris comme jamais dans une mer sans poissons ni rivages

J’écris comme un fantôme vivant

Comme un brigand près des prophètes de profession





J’écris en disant à mes correspondants

qui veulent prélever une mes fleurs

pour la mettre dans un bouquet universel,

faites faites !





J’écris sous la lumière crue d’une Odyssée

aussi extraordinaire qu’incertaine

J’écris d’île en il, d’aile en elle





J’écris comme cet avion sans ailes

chanté par Charlélie Couture

J’écris couturé de frais





J’écris cétacé

J’écris c’est assez de contourner

des lagunes et nos lacunes,

nous les hommes,

de n’avoir pas porté, puis libéré,

l’être nouveau expulsé de la mer primitive





J’écris au- delà du bien et du mal

de la syntaxe crépitante

et de la flèche tirée au bal des prétendants





J’écris pour la seule bonne nouvelle annoncée,

sortant du pavillon de l’aurore :

Un.e enfant nous est né.e !

NAISSANCE D’UN DIX-HUIT JUIN





Dans la langue de mon chant

Il y a le souffle de toutes choses

L’abricotier et l’abricot que je viens de cueillir

Et le souffle de ma fille qui un dix-huit juin naquit

Dansez les petites reines
sur une poésie de Victor Hugo
chant et musique
Jean Jacques Dorio
arrangement accompagnement
Philippe Bruguière
en son studio du Petit Mas
aux Martigues
été 2019

JE SUIS NÉ PARTOUT OÙ J’AI COMPOSÉ DES POÈMES





JE SUIS NÉ PARTOUT OÙ J’AI COMPOSÉ DES POÈMES





Poète est le travail de toute une vie.

On s’y attelle avec le rythme, les cadences,

les histoires réglées sur du papier musique

ou qui tombent à l’eau par incapacité.

Les poèmes apparaissent sur la scène d’un théâtre,

sur un bout de papier vite envolé,

et quand ils sont lus par un plus grand nombre,

ou c’est naturellement,

ou c’est dans le conflit des interprétations.

Les poèmes font les poètes,

comme l’ouvrage, l’ouvrier.

Ils s’écrivent sous l’empire de la colère,

de l’alcool, de la poudre d’escampette.

Ils s’écrivent à jeun, dans la blancheur des nuits,

les musiques douces, les sirènes de New York,

dans le flux et le reflux des mers, des fêtes et des deuils.

Ce poème qui n’en est pas un, fut initié ce jour premier juin,

à midi, dans mon hamac…





mais pour tout dire,

car je ne manque pas de mots,

je suis né partout où j’ai composé des poèmes.

Dans le village de La Bastide de Besplas,

à la faculté des Lettres de Toulouse,

à l’école normale d’Auch, à Arreau,

à Cazaux Débat un village perché sur la Neste du Louron,

au moulin de Jézeau, à Ancizan-Babel,

c’était le nom du collectif de poètes qui se réunissaient

autour des gigots d’agneau qui cuisaient à la ficelle

devant la haute cheminée de briques rouges,

dans une tour à Caracas,

et assis sur une tortue morocoy devant une case collective d’indiens panaré,

dans un hôtel de la Havane et à Jibacoa, une petite crique cubaine,

à La Bugade d’Avignon pendant les ateliers d’écriture

que nous inventions l’été 1980, avec le Groupe Français d’Education Nouvelle,

à New York, en 1976 dans les clubs de jazz du Village,

puis en 2008, chez ma fille à Astoria,

à Barcelone sur les Ramblas et dans le restaurant des Caracoles,

en Andalousie, à Cuevas de Almanzora, à Pallos, à Moguer,

au Prado de Madrid, dans les musées de Washington,

au Moma devant un tableau de Joë Bousquet peint par Dubuffet Traduit du Silence,

au Met, chez Guggenheim,

devant le Parthénon un matin où j’avais couru

pour rester royalement 5 minutes entouré des seuls chats squattant le temple,

à Berlin pendant 2 concerts à la Philharmonie,

à Paris rue de Suez et dans tous les bistrots du Marais ou du Quartier latin.





Et j’en oublie, j’en oublie, j’en oublie.

Et maintenant, je ne bouge plus.

Tous mes poèmes proviennent d’un même lieu

qu’il me faut sans cesse transfigurer,

imaginer ailleurs,

si je ne veux les laisser un à un, mourir et m’enterrer.





UN DICTIONNAIRE À PART MOI
patchwork in progress

LA BRANCHE DONT JE SUIS ISSU

la branche dont je suis issu

Ma vie comme dit l’autre il a bien fallu qu’elle commence De l’intra-utérine rien ne dirai bien des frères de plume s’y sont risqués mais leur traité m’ont toujours ennuyé car pour parler de nos parents et des parents de nos parents point n’est besoin de commencer par l’œuf de Colomb ou la ficelle du père Adam Je naquis donc une nuit de mars à 5 heures du mat si j’en crois le livret un vingt-quatre 45 jours avant l’armistice du 8 mai c’est le docteur du village voisin qui vint ma mère délivrer dans la chambre de notre maison donnant sur la place de l’église de La Bastide de Besplas Ariège ma mère Suzanne avait 31 ans mon père Noël 33 Il s’était évadé d’une ferme allemande en 42-43 (faut que je vérifie j’ai enregistré son récit) Noël Dorio avait été élevé par ses grands-parents -la guerre de 14 ayant décimé ses père et oncles et par « ricochet » sa mère – dans une ferme propriété d’un maître débonnaire d’ailleurs et qui prit soin à la promotion du petit orphelin En épousant Suzanne tous deux devinrent propriétaires de quelques hectares de terre qu’ils firent vaillamment fructifier avec une paire de bœufs pour labourer quelques vaches pour les veaux et le lait vendu aux habitants du village cochons poules canards et la petite vigne pour la piquette de l’année le blé donné au boulanger en échange des « marques » qui désignaient un petit bout de carton que l’on échangeait contre un gros pain de campagne – comme il se doit –  bref si vous avez tout lu vous avez songé à la liste de Perrette et du pot à lait

UN DICTIONNAIRE À PART MOI
Patchwork in progress
Une autre manière de l'écrire en octosyllabes

L'ART DU BOUSTROPHÉDON

Où je suis né on me l'a dit*
Mais ceux-là même sont partis
depuis longtemps hélas. Mon père,
ma mère, essentiellement. 
 
Dans une maison de village,
face à l'église qui sonnait
mâtines, midi, l'angélus.
Personne ne s'agenouillait.  
 
Ma rue - je ne sais plus son nom -
Traversait alors la commune,
Je la quittai bientôt pour une
autre, dite du pré de long . 
 
C'est là que j'appris à courir,
Mes genoux portaient la couronne,
Petit Poucet rieur offrant
Miettes d'enfance au royaume.  
 
Mes parents étaient paysans.
Pas un sou mais quelle richesse :
Lait veau vache cochons couvées
Blé maïs et pommes de terre.
 
Quelquefois je guidais les bœufs,
Mon père faisait ses sillons,
Qui aurait dit qu'il me montrait
Ainsi l'art du boustrophédon : 
 
C'est tourner d'une ligne à l'autre
Le sillon égale le vers.
Lui semait le blé dur, l'épeautre,
Mon champ est plus imaginaire. 
 
Je le sais mais je persévère.
 
*Georges Perros (Une vie ordinaire)
après les boustrophédons
origine du « vers »
qui s’écrit de gauche à droite
puis verse de droite à gauche
l’écriture de caractères
que je pratique
de haut en bas
un exercice de
calligraphies sans clé
sinon l’alpha du feu et du refus
Une des phrases de Jacqueline Saint Jean
Poète avec laquelle nous fîmes un livre
Brasier des ombres