FLAMBÉE BAROQUE

FLAMBÉE BAROQUE

Baroque sérieux et parodique
J’ajoute ici ma part modique
Celle d’un pauvre extravagant
Foufou toctoc éternel errant


Dans son petit canton imparfait
Chaque matin il retire les cendres
(de la précédente journée)
Dresse une brassée de petit bois mort
Et met à jour ses flammes poémiques


Un peu de miel issue de cendres
Un amour follet traduit à mort (d’amor)
Et pensées plus légères que violons ailés



Le monde s’écrabouille, se trucide, se déchire et toi tu continues, ignoré de Balzac et des lecteurs futiles, à produire tes vers de mirliton, faisant tourner à qui mieux mieux ta toton, toupie d’un rituel d’oubli des sinistres réalités. Oui, mais, aussi, cependant, travailler la métaphore vive, ne pas admettre sa perte, persister dans ce chant baroque des piétinements, basse continue et oxymorons, au grand dam des écrabouilleurs en tout genre, des trucideurs, des faiseurs de guerres infâmes,
Coeur d’amour épris, écrit Matisse fatigué, finissant, en découpant ses papiers de couleur, oiseaux du jazz, signes en verve, manière pour quelques secondes précieuses de remédier aux maux du monde.


ASSIS ICI ET AILLEURS

Je rapporte ici quelques situations réelles où je fus assis en me disant après coup que même visibles elles sont un reste de l’invible

Je me suis assis hier face à la façade baroque de l’église de la Madeleine à Martigues en essayant d’interpréter avec toi guide radieuse de ce jour les flammes de pierre surplombant le portail

Je me suis assis sur un banc de pierre de la cathédrale de Bâle face au tombeau d’Erasme de Rotterdam celui qui fit avec ironie l’éloge de la Folie

Je me suis assis sur la carapace d’une tortue morocoy siège habituel des indiens panarés du Venezuela près de deux indios dont j’enregistrais la conversation

Je me suis assis sur un banc à l’écart face au pont japonais de Monnet à Giverny en écrivant quelques haïkus qu’au fur et à mesure je lisais à ma dulcinée

Je me suis assis dans mon lit bien calé sur mon oreiller pour écrire ce qui précède et ce qui suit

Aux Martigues 20 décembre 2023

UNE PERTE MOMENTANÉE DE MON LIVRE DES SONNETS

à André Bellatorre

Une perte momentanée de mon livre des Sonnets

Et c’est la nuit baroque que je décroche de mon porte-manteau

Comme une fable jamais desservie sur le tapis des coups de dés

Coups innocents ou coups fatals

C’est le Soleil cou coupé d’Apollinaire

Et les oiseaux de Francis Ponge qui glissent

Sur le parquet ciré du salon sans murs de l’Idole noire

Et ce sont les « stances à l’inconstance »

cette fille de l’air de cent plumes couverte

Qui de serf que j’étais m’a mis en liberté 1

Lucidité sans formes scintillations à tous les vents ! 2

C’est l’esprit du baroque qui m’emporte béat

Ouvrant ainsi l’inexprimable et l’indicible

Submergés par ces vers écrits les yeux fermés

1 Etienne Durand (1586 ? 1618) 2 Francis Ponge (1889-1988) La nuit baroque







PASSEUR DE POÈMES : il est beau après la mort de vivre encore

Passer comme le fleuve qui est de temps et d’eau

Passer comme la barque du berceau au cercueil

Passer comme la folia de la viole baroque

Passer comme ses vers qui filent l’anaphore

Passer sur l’inflexion des voix qui se sont tues

Passer sur les notes de bas de page les gloses et les entregloses

Passer sur les nuits passées sous la flamme d’une chandelle

Passer la poésie au peigne fin des sous-bois de myrtilles

Passer d’un poème à l’autre tissant dans le noir leurs habits de lumière

Passer sur la devise d’un humaniste de la Renaissance :

E bello doppo il morire vivere anchora 1

1 Bernardino Corio (1459-1519)