La nuit bleue cette nuit se laisse porter par cette houle bienfaisante Elle libère l'oxygène des phrases en apesanteur La nuit bleue est une algue que je mâche sans compter En contant des histoires à dormir debout aux Néréides petites filles de l'Océan La nuit bleue est un phare éclairant la planète sous influence des petits vents d'ici Nuit de l'oltramarino lapis-lazuli Pour des pharaons recomposés et un chat qui récite moqueur le poème de Baudelaire Malédiction de la caste la plus basse Intouchables à qui l'on vole quelques feuilles d'indigotiers La nuit bleue s'abreuve au lait caillé et à l'urine des vaches sacrées La nuit bleue terre à terre mot à mot et sa musique balançant son Mood Indigo Nuit baroque où les hommes bleus du désert gravissent la montagne de Cézanne Épouvante des Romains et des gens du Coran Chinois fuyant l'ennemi aux yeux bleus Le vierge le vivace et le bleu d'azurite et de café moulu Vol erratique d'un martin pêcheur et jougs bleus des bœufs de mon père Libérés des mouches et des taons Portant l'enfant des nuits et des boustrophédons ad libitum
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CET HOMME-LÀ
AQUÉL
Avec cet homme-là que j’ai repris comme livre de chevet – je veux dire ses « œuvres » (un mot dont lui qui entra de son vivant dans la Pléiade, se défiait) – il n’est pas simple de faire, (en le lisant), des reprises de feu (en écrivant), tant il perd son lecteur dans des vers « voués à l’inutile », avec sa manie d’agencer ( fût-ce en hendécasyllabes, son vers fétiche), « oubli des dates et des noms », « souvenirs en lambeaux », et ses postures d’ « homme de verre », (selon un de ses traducteurs) : celui qui fatigue ses miroirs d’images sur images, et à l’opposé, d’homme de carne y hueso (en chair et en os) selon l’expression du philosophe du « sentiment tragique de la vie », son aîné de la génération précédente (25 années les séparaient).
Mais, en même temps, pourvu que l’on oublie qui on est et le nom de qui on lit, cet homme-là, est une ressource infinie, pour ceux qui s’adonnent au goût baroque des « simples miscellanées » (qui en savent plus long que quiconque), analectes et mélanges, citations inventées ou dûment répertoriées, diversions jouissives dans des Encyclopédies que personne plus ne lit.
Cet homme-là ? Peut-être moi, sûrement toi, si tu t’es reconnu.e dans ce texte inexistant mais qui te résiste, qui te donne envie de le retisser, de recoudre ses souvenirs en lambeaux, de retrouver dates et noms, et surtout de dire adieu au genre « exclusivement masculin », dont abusa, sans paraître s’en rendre compte, cet écrivain à qui « les dieux donnèrent un corps…qui n’eut pas de fils ».1
- Oh días consagrados al inútil empeño de olvidar la biografía de un poeta menor del hemisferio austral, a quien los hados o los astros dieron un cuerpo que no déjà un hijo…
Ô tous ces jours voués à l’inutile effort d’oublier la biographie d’un poète mineur de l’hémisphère austral, à qui le destin ou les astres donnèrent un corps qui n’eut pas de fils…
(ma traduction.) J’ai transformé « la manie des hendécasyllabes » de ce poète majeur (qui confondait à dessein « majeur » et « mineur ») , en prose poétique, disposée, comme il se doit, horizontalement.
Borges (Aquél) un poème du recueil La Cifra (Le chiffre) publié en 1981 La traduction du titre transformant « Celui-là » en « Cet homme-là » est dûe à Claude Esteban (1935-2006)
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
FLAMBÉE BAROQUE
Je regardais une flambée brûler d’un seul coup un roman que j’avais mis des millions de minutes à écrire. Marcel Proust Baroque sérieux et parodique J’ajoute ici ma part modique Celle d’un pauvre extravagant Foufou toctoc éternel errant Dans son petit canton imparfait Chaque matin il retire les cendres (de la précédente journée) Dresse une brassée de petit bois mort Et met à jour ses flammes poémiques Un peu de miel issue de cendres Un amour follet traduit à mort (d’amor) Et pensées plus légères que violons ailés 1 1 Luis de Góngora
RADEAU DE PAPIER
Il faut essayer Voir ce que ça donne Radeau de papier Qui vous aiguillonne Vous embrouillamine Rameaux et ramilles On s’amuse même Avec Jean Philippe Les Indes galantes Les Forêts paisibles Le Baroque en fête Le luth le théorbe Cornet à bouquin On danse soudain Puis le cœur s’apaise Fibres vibratiles Diastole systole En bon équilibre Ça ne veut rien dire Note le docteur Il ne saisit pas La vague du texte Qui a fait voguer Radeau de papier

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J’aime baroque baraque barrique Baron perché sur l’arbre mort En attendant Godot J’aime le masque la mascarade qui ne fait pas dans la dentelle et Carnaval des géants du bon Rabelais J’aime la rage, l’an rage 1, le coup de rein pour me sortir de la mélasse du langage pris dans les rets J’aime la salle des pas perdus la passe le passage du souffle sur la page feu follet J’aime les larmes les armes de la poésie les arts lézard qui pleure sa lézarde enfouie 1 dorio encres vives mai 1980 01/12/2021
