Je ne parlerai pas
Des arbres en feu
Ni des bêtes
En fuite

Je ne dirai rien
De l’épouvante
des guerres
De la terre
De l’air
Et des mers
le Saccage

Je parlerai 
Tout bas
De la douceur du soir
Et des poèmes
Anciens
L’espoir
Au creux des mots

Je parlerai
Longtemps ...

Danielle Nabonne


Je parlerai tout bas de la douceur des soirs

photographie de Danielle Nabonne Ozon (Hautes Pyrénées)

JE DIRAI QUE JE N’AI RIEN DIT





Je dirai que je suis tombé

Je dirai que j’ai perdu le nord

Je dirai que chercher d’autres excuses

serait à la longue fastidieux





Je dirai si ça vous intéresse (et à l’inverse)

que je me suis relevé

Je dirai que j’ai retrouvé la voie





Je dirai que la nuit la lampe est mon soleil

Je dirai Terre en vue

Je dirai l’esprit des bêtes et des arbres

Je dirai le corps qui dicte à l’esprit

Je dirai le vide qui broie les mots inadéquats





Je dirai merci à celles qui m’ont écrit

Que ce que j’écrivais leur parlait

Je dirai quand je mourrai

Ma gratitude aux poètes qui m’ont accompagné





Je dirai que je n’ai rien dit

SOIGNER LES BÊTES ET LES TEXTES

écrit tel quel
20/05/2020
02.25
Les bêtes, c'est ainsi que mon père désignait ses vaches et ses bœufs.
Fallait les soigner.
Elles habitaient à côté de notre cuisine, un simple corridor nous séparait.
J'y jouais. Avec une balle et un palet.
Et je les entendais le soir ruminer. 
"Roumia", c'est le mot occitan qui désigne à peu de chose près,
 les pèlerins qui passent ruminant leurs prières. 
Leur cierge a fondu depuis belle lurette.
Mais pas le cri du père, qui de temps en temps se fâchait.
Les bêtes ne voulaient pas se laisser soigner.
Quand je pense à mes textes, comme celui-ci qui s'écrit, 
c'est aussi un peu ainsi.
Je fais au mieux, les ruminant, mâchant leurs mots liés aux choses.
J'essaie de les rendre propres entouré par la puanteur du monde.
Sur mon établi, mon étable.
Avant, je criais parfois, souvent. 
On m'a même publié un livret à la couverture caca d'oie.

écrit du 1° au 14 mai
1980
Mais, ce recueil feuille morte, n'est plus qu'une vue de l'esprit.
Maintenant, si ma page de nuit, reste blanche, je ne crie plus.
Il m'arrive de la contempler longuement, sans écrire, 
laissant mes idées gambader, avec les pièces d'un puzzle dissociées.
Les bêtes, les soins, les ami.e.s sûr.e.s et les faux frères.

Les jours les nuits ornés d'inachevés
Et aussi bien plus que jamais l'an rage.