Le cœur joyeux dans la défaite
Comme dans la fête
Souvent, nos maîtres nous enseignent à serrer les poings pour gagner,
rarement ils nous apprennent à perdre,
ou plutôt à rendre à l’universel ce qui lui appartient,
à l’image d’Épictète, le cœur joyeux dans la défaite comme dans la fête.
Chantal Jacquet
Dans le château de Barbe Bleu
Sous les pas du cheval d’Henri IV
Sur le champ de bataille de Waterloo
Au chemin des dames rouge de nos morts
Dans le fond d’un Sahara brumeux
À la Bastille
Sur l’île des Rêveries
Sur le chemin des indiens morts
Sur la promenade des Anglais
Sur les quais de Palos de la Frontera
Au cœur des mots
germes de vie
aube croissante
Sur l’écume des jours
et les soirs de demi-brume à Londres
Sous le mur de Berlin
Avec Bach et Mstislav Rostropovitch
Dans l’enfer de Dante
et à Dachau
chez l’ogre des Petits Poucets
Chez les dieux de l’Olympe
Sur la bateau de Panurge
et dans l’Isle Sonnante
En poussant la roue à aubes
des Grands Matinaux
Au cœur des Utopies sanglantes du XX° siècle
À la Kolyma
avec le poète Osip Mandelstam
Dans l’antre du Cyclope
Les prisons de François Villon
de Clément Marot
et de Théophile
Dans l’Atelier de Picasso
sueños y mentiras de Franco
Dans les livres de haute graisse
Et sur les murs fantastiques de la casa del Sordo
Sur l’herbe de tous les déjeuners
le flot du sourcelet
l’ache et le serpolet
Sur les parois du Mas d’Azil
et les empreintes de Lascaux
Dans le hamac de palmes tressées
par les indiens Panaré
Sur la barque des morts de Pharaon
Sur l’Arize et sur l’Achéron
Sur un accord de piano
de Thélonius Monk
À l’asile des fous de Rodez
Sur l’aviron de Cambridge
et sous le pont des mathématiciens
Sur les toits de Manosque
et ceux du cimetière marin
Sur le maître du silence
et le rire inextinguible des enfants
Sur l’énergie du vide
et la bonne imagination
Sur les fleurs rouies
et les fêtes de Fraternité
Dans un champ de l’Ariège
où passent de toute éternité
Mascaret et Mulet
Tirant la charrue d’or
Des vers et des boustrophédons
Pour la plus grande joie
Des oiseaux sautillant
Au Paradis des Éphémères