Je me lance enfin dans le texte du jour aprèsavoir raturé trois esquisses
S’il est ainsi difficile de commencer imaginez ce que ce sera de finir ai-je lu hier
C’est un livre sur la fin de toutes choses et en particulier sur les dernières œuvres d’un artiste ou la dernière prestation d’un sportif de haut niveau
L’équilibre précaire avant l’effondrement
Pourtant rien de funèbre et même de mon point de vue une certaine jouissance prophétique
(Je laisse mes lecteurs en juger)
Je suis chaque nom de l’histoire dit l’un, avant de se jeter à Turin au cou d’un cheval battu et de plonger dans la folie (traduit de l’allemand)
Ce n’est pas la fin Nous nous recroiserons un jour ou l’autre sur l’avenue chante un second dans une version du Tangled Up in Blue(traduit de l’américain)
Je suis né une année incertaine et les siècles m’encerclent de feu écrit le troisième depuis un camp de déportation (traduit du russe)
Voici pour cette nuit trois présents à méditer
Je les ai transcrits depuis ma chambre blanche dans un grand lit où ma morte en souriant se retourne et me dit :
–Que veux-tu sans toi que je devienne ? Ouvre les volets le jour sort des ténèbres !
(longtemps après)
On ne résiste pas à ce dernier ajout proustien, lu sur les voûtes de Saint Marc à Venise, qui n’est rien moins que l’évocation de « l’éternel retour » :
Car tout doit revenir, comme il est écrit aux voûtes de Saint-Marc, et comme le proclament, buvant aux urnes de marbre et de jaspe des chapiteaux byzantins, les oiseaux qui signifient à la fois la mort et la résurrection.
Le fin mot n’est pasle mot de la finLa faim quand ça m’prenaitchantait Ferré dans les années soixante Sentes formant Sentierle quartier des « mousselinescalicots et toilespeintes en gros »dans un roman de Balzacdont j’ai oublié le nomMais non celui deBalzac 00.01avec son petit mineurqui lançait son picet la publicité dans les cinés :Et pan toujours dans le mille !Toujours dans les lignesQui font le litDe nos mille et une nuitsPassées à les écrire
Martigues 23 novembre 2023
65 HORS DES MOTS Hors des mots…comme toujours…c’est le paradoxe de Nathalie Tcherniak…devenue Sarraute…fillette de l’exil russe…mise à l’écart par sa propre mère…et sa belle-mère d’un père remarié…elle lui préférait sa fille Lili…oui tu « lis » bien…mais longtemps après quand la vieille dame qui haïssait les autobiographies entreprend Enfance…la romancière…c’est son charme…échappe par ses dispositifs d’écriture…au pathos au topos à ronger son propre os…elle fait mouvement…de tropismes en tropismes…en ne comblant jamais les blancs…d’une vie dont on n’invente pas ce qui se dérobe…nos oublis…mais les mots pour les dire…malgré tout…ces paroles ranimées…petits feux follets…tieba podbrossili…lui dit Vera la belle-doche… on t’a abandonnée… Mais non Natacha…quand je te lis…que tu sois enfant ou vieille dame indigne…c’est moi qui m’abandonne…à tes mots à ton rythme…au dialogue ininterrompue de ta plume…à ce dernier mot que tu m’as envoyé avant de tourner ta dernière page…oui je vous le donne en mille…figurez-vous que c’était un mot kidnappé…(Le livre d’une vie Une autrebiographie en mille et un fragments) en cours d’écriture
on va bien voir
dernière carte d’un jeu
venant du Musée du Pradoon y a vu
des lecteurs égarés
devant ces lignes
qui ont multiplié
leurs formes et apparences
on y a vu
les yeux fermés
le papillon de Tchouang Tseu
et la musique si lointaine
de vers improviséset maintenant
tous feux éteints
après le mot « fin »
tout peut recommencerJean Jacques Dorio 29/09/2023 01 :34
-Vous savez ma chère Céleste il est arrivé une grande chose cette nuit…
-Monsieur je ne sais pas ce que cela peut être
-Eh bien je vais vous le dire
J’ai mis le mot FIN
Maintenant je peux mourir
Céleste Albaret Monsieur Proust
J’ai encore essayé cette nuit, non sans mal, de compléter mes alphabets
J’ai encore essayé comme de coutume en lisant, en écrivant,
en suspendant de longues minutes ces deux activités
J’ai mis à mal le sommeil et son arc-en-ciel
Ma griffe a labouré les codes et les cadres
Comme le font contre les écrivains du dimanche
Les poètes du lundi matin
Et puis dans la fumée sans feu
J’ai écrit le mot FIN