QUI SUIS-JE ? QUE SAIS-JE ?

LES ÉGOLOGUES ET LEURS ÉGOLOGIES n’ont chez moi pas bonne presse Aujourd’hui que ce fameux concept d’identité est employé à toutes les sauces, quand « rien n’exclut d’essayer de penser hors du moi ou sans le moi » 1 Être, par exemple, un pur colibri, l’oiseau-mouche suçant le miel du livre des Essais, et le lendemain bécasse, la belle mordorée que chasseurs sans vergogne tirent à la passée, ou bien cet autre oiseau du crépuscule qui fait prendre son vol à une philosophie « parcourue par une expérimentation déniant toute entreprise identitaire d’un Moi totalisant narratif » 2 Du moins, drôle d’oiseau ou de zèbre, on aura essayé, posant les deux questions ouvertes du qui suis-je ? et du que sais-je ? 3 , doutant, pendant tant de jours et de nuits, de nos réponses, mais non du désir, chemin faisant,  de les éclairer…

1 Claude Romano L’identité humaine en dialogue 2 Gilles Deleuze 3 Michel de Montaigne

illustration Maria Dolores Cano

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LE DICTIONNAIRE D’UNE VIE

Chacun porte en lui un dictionnaire, le dictionnaire d’une vie, attribuable de l’extérieur à plusieurs individus, mais que l’écriture personnelle rend étonnamment « singulière ». Devenu en lisant, « le lecteur de soi-même », puis, en écrivant, le témoin des conflits entre mémoire et oubli, petite histoire et Histoire « avec sa grande H », faire vraiment « un dictionnaire à part soi », permet, échappant à toutes les entreprises d’un moi identitaire (la plaie de nos démocraties), de réactiver les seules questions qui devraient compter dans nos sociétés sans boussoles : qui suis-je ? et que sais-je ? C’étaient les questions posées par l’auteur des Essais, qui consacra le meilleur de sa vie à chercher, non sans se contredire, des manières de vivre, nous affranchissant de toute contrainte provoquée par « l’ego » : un parler ouvert ouvre un autre parler, comme fait le vin et l’amour.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

CINQ FRAGMENTS CUMULÉS

PAPIERS D’IDENTITÉ

Étrangeté jamais démentie, relire ses « papiers d’identité », ses multiples carnets d’instants rapportés plus d’un demi-siècle durant, de dessins à la plume ou au pinceau, de pincées de poèmes inachevés (ils le sont tous). Milliers de pages de tout format, de toute forme essayée. Blablas, babels, exercices sans style, mais au stylo sur ce papier qui parfois est devenu muet et d’autrefois continue étrangement « à nous parler ».

CITATEUR

Je suis un citateur né. Mais je ne découvre le mot qu’aujourd’hui 6 juillet 2022. Cependant je crois que je ne vais pas le réemployer. Jamais.

ACCUMULATION

J’accumule des phrases, des citations, des non-phrases, des fragments, des vers (à l’ancienne), des pensées sans formes, des formes de pensée, des étymologies : ainsi il y a du cumulus, de l’amoncellement, dans la mise en scène (accumulare) de mon accumulation. C’est Wikipédia qui le dit. Et Baudelaire dans l’Étranger, aussi.

PETITS RIENS

Petits riens. Faits par la main qui les écrivant passe ainsi un temps en marge du temps. Mais petits riens ne sont pas faits pour être lus par un.e autre. Ou bien c’est l’entourloupe, l’entourloupette.

DIRE L’INDICIBLE

Dire l’indicible ou rater sa cible, dire en silence le bruit de la plume, les équivalences et les amertumes, dire tout le reste est littérature.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi

UNE VOIX INCONNUE




je fais espace à mon démon
dans la neutralité des choses
un jour de tournures de phrases
on me dit je ne comprends pas
les poèmes comme vous
cachés dans leur peau d’écriture


Nathanaëlle Quoirez
Kaïros
(vient de paraître
collection Polder)

Une voix inconnue
Sur ces petits bouts de textes
Assemblés en un recueil
de poésie

Avec le temps
-le très long temps-
Si je me lance dans une lecture nouvelle
Je me tiens à un seul critère :
Le texte grandit avec ses lecteurs
Que l’on peut lire comme :
Dans le chaos qu’est toute vie
Est-ce que cette manière de l’écrire
-je l’ai là sous les yeux
en 58 pages-
va dévoiler un aspect qui était resté caché
de mon identité ?
Ou non…

Cette nuit
(car c’est la nuit, au lit,
que je me livre à l’exercice)
C’est Oui 







AU BOUT DU CONTE TU NE RESSEMBLES À PERSONNE

PAGE source et ressource




AU BOUT DU CONTE TU NE RESSEMBLES À PERSONNE





Influences ou imitations délibérées, c’est ainsi, que peu à peu, pourvu que la tâche soit légère mais obstinée, paradoxalement, on en vient à ne plus ressembler à personne.

Sur mon échiquier poétique, je pousse les pièces d’une identité, que seul.e.s les imbéciles croient posséder.

Quand je lis vraiment, je disparais dans l’écriture intime de celui et de celle qui me font l’amitié de m’ouvrir à leurs lettres, sans cesse portées, au-delà de toutes mes attentes.

Les enfants nés dix ans avant moi, ont été déchirés par la guerre, « l’histoire avec sa grande hache », de l’auteur de « la disparition », qui s’est servi de la littérature pour s’inventer un monde et une famille, toujours prête à le quitter. Comme une mère qui vous amène dans un train partant pour le Vercors, -sans sauts à l’élastique -, avant d’être contrainte et forcée d’embarquer dans les wagons plombés de nuit et brouillard.





le rouge et le noir




LIRÉCRIRE

c’est ainsi que je sais le mieux oublier

qui je suis

pour entrer dans un monde

de fantaisies d’inventions

et de « réelles présences »

car moi aussi la vie douce et paisible

m’a une année un mois un jour

déchirée

en lançant ses flèches empoisonnées

contre celle qui était qui fut et demeure

ma moitié