ÉCRIRE JUSTE

Écrire juste

Juste écrire

Écrire ses forgeries

Publiées chez Corti

Dont chaque page

Est à découper

Au couteau

Écrire coûte

que coûte

en connaissance

de cause

Cette langue

Qui prend soin

de jointer

Les mots et les choses

Le hasard et la nécessité

Le visible et l’invisible

Et qui s’efforce de tenir tête

au monde factice

Qui sur X

Nous précipite

Dans les eaux infernales

Du Styx

EN SOMME

 
Chaque nuit entre deux sommes
Tu vogues toujours et encor
Vers Ithaque errant éternel
Tournant tes feuilles recto
Verso du travail de mémoire
Qu’un poème comme un clap
Sur la langue du lexique multiplié
Ébranle éclabousse de tes écumes
De nuit tes pensées de papier
Entre deux sommes


AJOUT

JE ME RÉVEILLE D’UN COURT SOMME

Cette histoire de soi qui s’écarte de moi, ce n’est pas que dans les livres.

Je me réveille d’un court somme, (le premier de la nuit), avec la sensation d’une conscience paradoxale :

je ne sais plus l’espace d’une seconde où j’habite, quel jour on est, quelle est mon identité…

Ça pourrait semer le doute, ça me donne l’énergie venue de ce courant mystérieux « antérieur à la connaissance » d’un questionnaire inhabituel :

qui ne suis-je pas ? ce que n’est pas mon identité ? ce que je ne sais pas ?

CENT FOIS TOURNANTE VOTRE VUE

Cent fois tournante votre vue
M’inspire m’émeut me fragilise
Me sort d’Amour ce petit dieu
Controversé par la psychanalyse
Sorti d’un temple dédié à Déités
Que mon esprit contemple et ma langue avalise
Brûlant par dévotion cette recherche de mots
parfaits que j’idolâtre et qui m’infantilisent

Cent fois j’écris ô douce vie
Ensemble et toi et moi je parangonne
Fais le départ entre soupirs ardents et agonie
Ravive ainsi mes amoureuses flammes
Cent fois tournantes à votre vue
Madame dont le teint d’or m’électrolyse

Avec Pontus de Tyard (1521-1605)
Qui écrivit et fit publier
Les erreurs amoureuses

FAIRE CRAQUER SA LANGUE

Faire craquer sa langue Comme une allumette qui éclaire La complexité inépuisable du langage

RACONTER SA VIE est un leurre pour lecteurs naïfs mais on peut laisser ses traces de divers moments vécus au cours d’une vie ou plutôt de plusieurs vies qui passent en nous : récits en prose mémoires oublis autoportraits multiples faits vérifiables ou imaginaires journaux intimes authentiques ou peu fiables paroles rapportées chroniques liées à l’histoire avec sa grande H enfin tout le fourbis et tous les pronoms qui n’ont de personnels que le nom le je du jamais moi le tu du souvent toi et l’il des anamnèses l’elle mon alter-égale le nous brisant le cogito vous n’auriez pas dû lire autant de lincuistres me souffle le penseur précieux de la société des individus ils partirent cinq cents et s’il n’en reste qu’un je serai le premier à pousser ses vies anonymes dans cet espace de papier

LE BEL OCCITAN

LE BEL OCCITAN Mes parents petits paysans voulant que leur rejeton -fils unique- réussît à l’école et qu’il s’éloignasse du maniement de la charrue et de l’élevage des bovins (avec le fumier qui s’ensuit), m’ont interdit d’apprendre leur langue première, le bel occitan qu’on leur avait persuadé de nommer « patois » (c’est pas toi !) Je l’entendis quand même et je le compris mais fut incapable de le transmettre à mes deux filles : c’est ainsi que meurt une langue.

https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi