J’écris primo d’un murmure, secundo de lectures, tertio de figures, quarto d’une collection imprimée sur un papier de faible grammage. J’écris sans mentir, ni ramage, ni plumage, ni vieillesse ennemie. J’écris excentré mais non excentrique, loin des centres culturels où le commerce de ses consommateurs tel sur le papier qu’à la bouche, n’a plus ce parler simple et naïf, succulent et nerveux, court et serré, qu’affectionnait Montaigne. J’écris sur les feuilles des arbres, le tronc de mes amandiers, les papiers timbrés de mes amendes, les pistes criardes suscitées dans le ciel d’été par les martinets. J’écris la brume sur l’étang où nous péchions des carpes argentées, hypophthalmichthys molitrix. J’écris toujours Merci pour la langouste des Pieds Nickelés et les bons crus font les bonnes cuites de Pierre Dac. Je n’écris pas dac, ok, d’accord, pigé. Au cours préparatoire je recopie inlassablement des lignes d’écriture sur le pape Pipu, l’abbé Bécasse et le curé Raimu. J’écris au carrefour du déploiement des langues à travers l’opération poétique qui les pense. (Yannick Haenel)
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SOLILOQUANT
Soliloquant passé minuit sur ce papier où court un crayon donnant des nouvelles d’un passé qui n’existe plus.
Ce sont mes jeux d’enfant, sans sœur ni frère, dans le couloir d’azulejos, séparé d’une porte de l’étable, où l’on entend les bœufs roumier. (ruminer)
Au fond du corridor, s’ouvre la porte sur l’ort, le jardin familial qui, « à la saison », nous nourrit.
On entend sur le soir les cris des martinets et mon père piquant sa faux.
Et pour la suite, imaginez…
Mon crayon gris, à force d’appuyer, s’est cassé…
MA SEMBLANCE
Nuit après nuit
Après sa perte
Et durant quatre années
Je me suis efforcé
De faire éloge à ma semblance*
Puis ma morte**
m’a échappé des doigts
comme on dit du martinet
tombé sur l’asphalte
et qui ne peut se relever
sans l’aide d’une main bienveillante
Elle revient cette nuit
Sur cette carte maladroite
Et je lui écris
*c’est ainsi que La Boétie désignait son épouse
**Poèmes à ma morte
Éditions l’Harmattan
10/01/2020
01h44
https://revuedissonances.com/dorio-jean-jacques-poemes-a-morte/