Je m’imagine sur le ring du Madison Square Garden encouragé par Nougaro qui me crie : Boxe boxe boxe
Je m’imagine sur la scène de l’Olympia m’accompagnant à la guitare sèche en chantant Santiano ce fameux trois mâts fin comme un oiseau
Je m’imagine papillon butinant les fleurs magiques des Songes d’une nuit d’été
Je m’imagine Balthazar au hasard du film de Bresson
Je m’imagine dormeur du val ma tête baignant dans le frais cresson bleu
Je m’imagine suspendu sur le trapèze de la vie mode d’emploi ne voulant plus en descendre
Je m’imagine Gary Cooper chantant à Grâce Kelly Si toi aussi tu m’abandonnes
Je m’imagine dans la tour de Montaigne fagotant toutes ces pièces diverses
Tag Archives: Montaigne
UN SAGE ET LES FOLS ENVAHISSANT LA CITÉ
Nul plaisir n’a goût pour moi sans communication.
Il ne me vient pas une gaillarde pensée en l’âme
qu’il ne me fâche de l’avoir produite seul,
et n’ayant à qui à l’offrir écrit Michel de Montaigne.
Mais aussi, car il ne se soucie pas de se contredire :
Est-ce raison faire dépendre la vie d’un sage du jugement des fols ?
Mais (nous n’y sommes toujours pas),
Notre vie est partie en folie, partie en prudence,
qui n’en écrit que révèremment (avec révérence) et régulièrement,
il en laisse en arrière plus de la moitié.
Bien malin qui suit ce diable d’homme,
trouvant que des vivants même,
je sens qu’on parle toujours autrement qu’ils ne sont.
Encore heureux !
MA VIE À MOI
MA VIE À MOI à toi à tu Ma vie parlée et ma vie tue Ma vie l’esprit débordant du cadre de mes photographies (du bébé joufflu au dernier portrait que m’aurait fait Nadar allongé dans mon plumard) Ma vie rêvée l’ai-je bien fantasmée ? Ma vie d’un « je » ouvert par la littérature d’un reclus célèbre couchant sur le papier les vies de personnages de salon qui se croyaient immuables quand tout leur monde était en train de disparaître Ma vie à moi écrite en maints poèmes sur les ardoises du toit Ma vie donnée dans l’abécédaire d’un dictionnaire à part moi Ma vie du vieil homme et la mer Ma vie de Montaigne à sauts et à gambades Ma vie délibérément anachronique « vie fugitive » « vie devant soi » Ma vie de vieux muet assis dans le métro lisant le capitaine Fracasse en bande dessinée Ma vie croisant ces mots de l’auteur de la vie mode d’emploi : « Un père éternel » réponse « Lachaise » Ma vie de bâtons et de lettres disparaissant dans des cartes et feuillets noircis en secret entre soi et soi entre moi noir chevelu et moi blanc dégarni Ma vie et moi et toi ma conscience de l’instant qui vient séance tenante m’en libérer
UNE VIE ORDINAIRE en mille et un fragments
en cours d’écriture
SOIS DANS LA SOLITUDE UNE FOULE À TOI-MÊME
Croiser et décroiser, les pensées, les paroles et les doigts
Croiser et décroiser, un petit écart cependant,
une virgule ou un mot de travers,
et nous voilà ailleurs,
là où les autres ne sont pas allés…
Ici et maintenant,
Où l’on écoute un air de la moitié du siècle XX
Où l’on revisite « Solitude » d’Ellington
c’est doux mais non doucereux,
c’est Johnny Hodges et Paul Gonsalves.
Et pour le même titre,
on se plaît à suivre les gloses de Montaigne,
croisant et décroisant ses lignes
avec un poète latin qu’il récitait ainsi :
Sois dans la solitude une foule à toi même.
À L’ÉCART
…et là, sans faire aucun bruit, ni dire un mot, être déjà à l’écart.
le roman de 469 pages se termine ainsi, je les ai toutes lues et parfois relues
il avait commencé par une promenade près du château de Montaigne
dans un sentier qu’il appelait l’allée du bout du monde
et maintenant le voilà voué à sa disparition
à la fin toutes ses pages ont perdu leur sens
seule la main qui écrit cette courte recension est toujours avec moi
Martigues 11 janvier 2024
Le titre du roman est Doctor Pasavento (Docteur Pasavento)
et cependant non sono dottore proteste d’une voix traînante son auteur