En Mai 68 on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789.
Michel de Certeau
2 DU COUP AVEC LES MUSES DE MAI qui ont quitté la scène depuis 68 On renaît par milliers dans la besace des commémorations décennales On nous avait bien caché les ouvrières et les ouvriers On travaille à feu continu…nos ulcères fleurissent chante Colette Magny pour ceux et celles de la Rodia Du coup on est tombé sur un o.s. qui en avait assez au premier chef des chefaillons Du coup à force d’entendre Devos répéter son sketch à quand les vacances à Caen les vacances Ça a mis la puce à l’oreille des ouvriers spécialisés de quelques usines du Calvados Du coup répétition générale anticipée entre crosses et grenades CRS face aux mutins caennais Du coup et blessures après la répression-répression on entend une voix qui donne le titre au film de Chris Marker et qui annonce la couleur du cinéma effervescent de Mai : À BIENTÔT J’ESPÈRE
agenda écrit à la main du premier au sept mars 2021avec 8 calligraphies « à la chinoise »
Lundi premier mars 2021
7h33 Je vois les mots une fois posés Mais « je m’en vois » aussi, parfois, pour qu’ils adviennent. Et d’ailleurs, quelquefois, je ne peux les voir « en peinture ». Et à d’autres instants, par hasard (heureux ou malheureux), les mots font apparaître un monde disparu qui était dans la coulisse. Ainsi, ce premier mars, en ouvrant la fenêtre, j’aperçois trois mouettes, comme celles que Staël peignit à Antibes, avant de tomber lamentablement de son balcon. 7h58
Mardi 02/03/2021
4h12 C’est dans « l’Almanach des Muses » que Chateaubriand publie le 12 décembre 1789, ses premiers vers. Il a vingt et un ans. Deux ans plus tard, il prend le bateau pour le Nouveau Monde. Comme lui, à 23 ans, à l’automne 1968, j’ai connu l’Amérique. Mais la mienne était au sud (Caracas), quand la sienne fut au nord (Baltimore). Mes premières « pièces fugitives » furent publiées dans un recueil à quatre mains, appelé « Remiremots ». François, le vicomte breton, avait intitulé ses premiers essais poétiques, « Le cri du cœur ». J’intitulais les miens, publiés dans ce format dit « à l’italienne », « Papiers Hygiéniques ». Mais, plutôt que les rouleaux destinés à ce « lieu », prisé disait-on du poète Mallarmé, il s’agissait, on l’aura, je l’espère, compris, de ces papiers que l’on écrit en faveur de son hygiène mentale. « Le papier est doux, il endure tout. » 4h22
Mercredi 03/03/2021
6h06 Avant de passer sous la voûte du scanner, qu’un docteur m’a prescrit, j’ai photographié avec soin, mentalement, les 8 caractères chinois collés contre. (voir leur reproduction sur mon agenda photographié) 6h10
Jeudi 04/03/2021
4h51 D’une nymphe macabre Baudelaire attiré (et choqué) fait rimer Eden et dédain. Pour ses sapins, Apollinaire, associe des « rangées de chérubins » avec « de grands rabbins ». À chacun ses soleils noirs ou vermeils. 4h59
Vendredi 05/03/2021
8h46 À Saint Tropez pas de BB, mais le musée de l’Annonciade, où nous aimions tous deux, flâner en amoureux, sur « la place aux herbes » peinte par Camoin (1879-1965). 8h53
Samedi 06/03/2021
5h15 Un être qui m’était cher s’est éteint (éteinte). En pensant fort à elle, je puise dans une de ces phrases qui étoilent mes carnets de pensées singulières, « a parte » : « Mais l’autre amour que l’on dit « d’amistança »…parce qu’après la mort, sa grande force lui dure. » Ramon Lull (traduit du catalan) 5h24
("pensando en ti"...j'écoute "Bachianas Brasileiras n° 5" d'Heitor Villa-Lobos)
Dimanche 07/03/2021
1h55 Comme la manne, les lettres sont tombées, non du ciel, mais de la seule main qui exerce ses capacités de « savoir écrire ». Écriture à sauts et gambades, éclaboussée de signes, à consulter sur place, au partage des encres noires et de nos secrets. 2h10
dans la nuit 18 mai 2020 2 heures manuscrit avec hypnographies
Une voix intérieureMe fait vibrer les lèvresJe ne sais quelle museObscure de la nuitM'emporte au royaumeOù les morts et vivantsCroisent leurs expériencesJe vois les acrobatesPréparant leurs prouessesSur la boule en jouantDe leurs corps de serpentJe vois Cha-U-KaoCette clownesse peintePar le roi des nabotsGénie de la paletteJe fais du Grand PalaisUn bazar où l'on peintLa vie des grandes fillesLes secrets de familleÀ minuit sonnerieMes rimes s'assonancentMa cavalière ritEffeuillant la mémoireSes dents sont rouge sangCours vite et va loinIci tout n'est que cendres
AMUSEMENT DES MUSES Je vis je meurs je me brûle et me noie Louise Labé 1555 - J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages ! Baudelaire Petits poèmes en prose 1869 Amusement des Muses Qui menaient par le nez Les poëtes anciens
Elles les faisaient égaux des dieux, Bouches d'or volubiles, Enthousiastes, inspirés, La plume reine cédant L’initiative aux mots
Un petit feu courait qui déliait leur langue Ou la rendait muette, Car nos filles divines Soufflaient le chaud et le froid.
Alors tout à sa lyre l'heureux mortel chantait Le clair aveuglement, le frisson poétique, Les rires et les pleurs, Et ses rimes d'usage