CHOSES VUES LUES ENTENDUES RAPPORTÉES PAR L’ÉCRIT

Je suis Hugo en 1830

Je ne dors pas. Je suis Hugo en 1830. On joue son Hernani, on siffle tous ses vers. « Empêche-t-on l’arbre de verdir, en en écrasant un bourgeon ? ».

Je me promène ce 12 mai, dans un Paris, où l’on entend des fusillades. Des émeutiers, dont quelques ouvriers en blouse et face à eux des troupes de gardes nationaux.

Rue Vieille du Temple

Rue Vieille du Temple, je me souviens de l’été 2007. Je la voyais en surplomb, depuis un immeuble, dont le dernier étage était occupé par un ami, qui nous l’avait prêté avec ma fille en train de passer ses oraux pour entrer à l’École Normale.

Depuis ce lieu, moi aussi, j’écrivais à ma manière « choses vues », entendues, notant aussi, à la Perec, les autos, les passants, les incidents de l’infra-vie.

c’est le premier jour de l’été 2020

Toto, durant l’émeute, est partout, sur les boulevards, au Temple, à la Porte Saint Martin. C’est dimanche et les promeneurs sont mêlés à l’infanterie. Puis, à une heure du matin, le voilà dans les petites rues du Marais, repassant dans la rue Vieille au temple, « elle est noire comme un four, les lanternes y ont été brisées. »

Je referme Choses vues (1830-1846), et pose le livre à mon chevet. Avant de me rendormir, je me remémore ces deux vers des « rayons et des ombres » : « Et l’aube douce et pâle, en attendant son heure, Semble toute la nuit errer au bas du ciel ».

Quand l’aube viendra tout à l’heure, ce sera la première de l’été 2020.





"un dictionnaire à part moi"
patchwork in progress




TROIS PIÈCES MANQUANTES RETROUVÉES





TROIS PIÈCES MANQUANTES RETROUVÉES





Notre écriture se forme dans la mouvance des écrivains que nous découvrons.

Leur constellation unique façonne un puzzle dont nous sommes en quelque sorte

la pièce manquante.

Georges Perec





NOTRE INSTITUTRICE DE VIEILLE ROCHE





Sur l’ardoise ce coup de craie

Et toc toc toc cette musique

Que faisaient nos mains écolières

De l’aride calcul des pourcentages

À l’ardeur des dictées mentales





Encadrée d’un bois orné de nos noms

Et tenue par une ficelle

Elle était notre institutrice de vieille roche





Quel plaisir de relire cette formule

Qui perle

 Au gosier de Maître Ponge !





UN POÈME QUI NOUS MÈNE EN BATEAU





Le poème te mène en bateau

Ce sont les mots premiers

Qui me sont venus

Mais je ne les ai pas écrits





Bien d’autres entrées

Se sont heurtées

Au refus

Ou à l’indifférence





Poème en absence

Barque légère

Inquiète et têtue*

Montée par les ami.e.s

Du pont des poésies

Et du bon temps de la vie





                                                                *Francis Ponge





NOS MOTS FLOTTANTS DU GOUFFRE OBSCUR





Le poème doit beaucoup

à ses conditions d’existence :





Ce petit rectangle de carnet A6 Kraft

L’écriture au lit pendant la traversée des nuits

Mes lectures en pointillé

Et le stylo noir qui fait bruire

Le gouffre obscur

Des mots flottants*





*Victor Hugo

AU BOUT DU CONTE TU NE RESSEMBLES À PERSONNE

PAGE source et ressource




AU BOUT DU CONTE TU NE RESSEMBLES À PERSONNE





Influences ou imitations délibérées, c’est ainsi, que peu à peu, pourvu que la tâche soit légère mais obstinée, paradoxalement, on en vient à ne plus ressembler à personne.

Sur mon échiquier poétique, je pousse les pièces d’une identité, que seul.e.s les imbéciles croient posséder.

Quand je lis vraiment, je disparais dans l’écriture intime de celui et de celle qui me font l’amitié de m’ouvrir à leurs lettres, sans cesse portées, au-delà de toutes mes attentes.

Les enfants nés dix ans avant moi, ont été déchirés par la guerre, « l’histoire avec sa grande hache », de l’auteur de « la disparition », qui s’est servi de la littérature pour s’inventer un monde et une famille, toujours prête à le quitter. Comme une mère qui vous amène dans un train partant pour le Vercors, -sans sauts à l’élastique -, avant d’être contrainte et forcée d’embarquer dans les wagons plombés de nuit et brouillard.





le rouge et le noir




LIRÉCRIRE

c’est ainsi que je sais le mieux oublier

qui je suis

pour entrer dans un monde

de fantaisies d’inventions

et de « réelles présences »

car moi aussi la vie douce et paisible

m’a une année un mois un jour

déchirée

en lançant ses flèches empoisonnées

contre celle qui était qui fut et demeure

ma moitié