Faire un poème est une fête où le rituel « organise tout le possible du langage ». Ce peut-être bref, un feu d’étincelles, ou très long, interminable. On essaie, des heures entières, d’arbitrer, en vain, les conflits permanents entre « l’oreille », le son, et « l’esprit », le sens.
La fête finie, que reste-il, si ce n’est ce peu de grains, sur le papier ou dans le sablier d’un recueil, que l’on dit de « poésie ».
« Et nous les os devenons sable et poudre », écrivit Villon, en forme de ballade, pour ses « frères humains », s’attendant comme lui à être pendus.
Il est un autre poète, que tout le monde a oublié, qui, filant la métaphore, se vit, lui aussi, « se la couler douce » après sa mort, dans « l’horloge de sable » :
Être étonné. Une rareté. Une poursuite de lézards sur le mur du jardin. Un poème court lu dix fois et dix fois fermé. Et la onzième il s’ouvre sur un mot qui l’éclaire. La fourmi minuscule qui se promène sur mes deux pages ouvertes dont le titre est Égarements.
Être étonné. De cette langue insensée, puisée on ne sait où, et que l’on lance dans un cri ou le silence de la page. Échos, présents d’un siècle depuis longtemps passé.
Être étonné. Mon hamac qui se gonfle sous le mistral. La pointe très haute d’un if ou d’un cyprès. Et puis ces mots qui soudain me traversent, ceux d’un mystique carne y hueso.*