Je n’ai que mépris pour le mortel qui se réchauffe avec des espérances creuses. Sophocle Nous croyions le passé de la guerre dépassé… Nous prenions les bombes sur nos têtes déchirant femmes et enfants comme une image du mal figée, jaunie, depuis l’an 45… Nous pensions que la lutte armée et à mains nues contre l’envahisseur n’était désormais que pour des figurants au ciné… Nous ignorions que nous vivions l’ère de Damoclès dont le fil ténu allait casser… Nous avions arraché les pages des manuels d’Histoire et de Philosophie sur le Tragique : situation où l’individu prend douloureusement conscience d’un destin qui pèse sur sa vie, sa nature ou sa condition même … Nous avions ignoré que la probabilité d’une catastrophe est une réalité pour « paradoxalement retrouver le pouvoir subjectif d’y croire et d’agir contre elle »1 1 Frédéric Worms Revivre à propos de Pour un catastrophisme éclairé Jean-Pierre Dupuy (2002)
Archives de l’étiquette : tragédie
IL PLEUT DOUCEMENT SUR L’UKRAINE
A tous ceux, (à toutes celles), qui, de tout temps, sous un régime totalitaire, Ont cherché refuge dans les livres, l’art, la beauté, Au péril de leur vie. Ossip Mandelstam (1891-1938) Mort en déportation pour avoir écrit Épigramme contre Staline
Il pleut doucement dans ma tête Romances sans paroles comme écrivait Verlaine Des mots pleins de stupeur Pour apaiser ce cœur qui s’écœure Devant l’invasion de l’Ukraine Il pleut doucement sur ma page Comme il pleure sur cette ville Qui aspirait à vivre comme nous À Paris Berlin ou à Vienne Et qu’un autocrate sanguinaire À la mode de Staline et d’Hitler Veut rayer de l’Histoire Il pleut doucement sur ma nuit Sur la fureur et le bruit De cette tragédie 26/02/2022
NESSUN DORMA ou LA NUIT DES BARRICADES
Liesse : Joie collective
(vieilli, littéraire)
Nuit du dix au onze
Mai 68
Mai mais mais Paris mai
Roulez jeunesse
Dormez vieillesse
(À 22h De Gaulle va se coucher…
On n’osera le réveiller)
Rue Gay Lussac
Ô gué ô gué ô gué
C’est la divine comédie
On se passe les pavés
En chantant Pavarotti :
Nessun dorma (bis)
Que nul ne dorme !
Et ne s’endorme
Sur les lauriers
Des Enragés
Come di come di
La Comédie d’un jour
La Tragédie toujours
Avec Claude Nougaro, Pavarotti (un air de Puccini) et Paolo Conte
L’ART N’EST QU’UN JEU
1
L’art n’est qu’un jeu
Mais il faut jouer avec la joie
Et le sérieux de l’enfant
Qui s’oublie dans son Je naissant
Je te l’écris « plié de rire »
Et secoué de pleurs
Ça peut aller de pair
Dis la vie quand reviendras-tu ?
Quand sonnera l’heure
De la grande réouverture ?
Du souffle des tragédies
Et des comédies
Déployées sur la scène de la Cour d’Honneur
Ou dans les 24 images par seconde
D’un cinéma où rêvent
Nos inconscients
L’art n’est qu’un jeu
Mais trop masqué
Ce n’est plus du jeu
Mais une mascarade
A dit l’enfant
En tressant son berceau
De laines et de brins d’osier
Dont on fait les rêves
27/01/2021
2
ÉCOLE (et poésies)
J’ai tendu une corde de clocher en clocher,
et je danse.
Mon maître d’école avait inscrit la phrase sur une banderole
qui flottait sur nos têtes.
Moi, quand j’ai été instituteur,
j’ai remplacé le danseur de corde
par Moi dans l’arbre
T’es fou tire pas !
C’est pas des corbeaux
C’est mes souliers
Je dors parfois dans les arbres
Ha!ha! On en a fait des lectures et des variations
sur ce dormeur dans son arbre
Comme « le paresseux » accroché au palmier, au milieu d’une cour d’école,
de Caracas où j’enseignais le français à de jeunes enfants.
Des infantes plutôt, des fillettes à l’esprit vif et sautillant.
-Profé ! profé ! comment dit-on « pereza » en français ?
– On dit « paresseux ».
Dame souris trotte Rose dans les rayons bleus
Dame souris trotte : debout paresseux !
Avec Rimbaud, Vincensini et Verlaine.
3
Écrire n’est pas qu’un jeu…mais un peu tout de même.
Un jeu où l’on écrit avec le sérieux et toute la joie de l’enfant qui joue.
Un jeu où l’on suit des règles, bien qu’on aime les changer tout le temps.
Sauf cette main réglée, sur l’orthographe exacte, sur le sens et le non-sens,
les mots en vadrouille, mais tenus, même en faisant quelques écarts,
par la langue françoise.
On taille, on coupe, on bêche.
Et quand le journal, au sens du travail d’un jour, est fini,
on plante là ses outils jusqu’au prochain exercice,
et on passe à autre chose.
Sauf que, en ce qui concerne précisément, celui qui trace cet écrit,
son journal essentiel, se déroule la nuit.
Comprenne qui pourra.
Ceux qui dorment la nuit sont hors-course.
Les autres, éveillés, mais qui luttent pour dormir,
tournant et retournant leurs insomnies,
font un mauvais calcul.
Quand la nuit remue,
il faut sauter sur son manège,
et laisser aller.
Ça apaise, ça écrit.
13/07/2020