Je ressors du grenier une centaines de fiches de toutes les couleurs (10×21 cm), sur lesquelles j’ai écrit des lignes et des lignes, chaque nuit, comme un insensé. Les mots accumulés (bien que souvent venus « au compte-goutte ») étaient comme de petits dieux de passage que je suivais innocemment : un lézard amoureux par ci, les rêves d’un papillon par là, et même un trou noir photographié pour la première fois au centre de la Galaxie M 87, tout ce qui passe au fil de la plume nous faisant oublier combien il y a loin de la coupe aux lèvres. Je ressors du grenier ces fiches regorgeant d’étranges étrangetés, exercices tracés à la pointe d’un stylo s’imaginant calame. Le K, l’âme de cette nouvelle de Buzzati que j’ai faite à chaque rentrée lire à mes élèves collégiens qui l’auront pour la plupart, et pour leur plus grand bien (ou mal, l’hésitation est permise), oubliée. Le K animal débonnaire et porteur de la pierre d’immortalité, était pris par l’enfant héros comme un monstre qu’il ne fallait pas approcher. Croiser et recroiser, ces obscures clartés, collages intempestifs exposés au Moma (Mona Lisa des Champs : LHOOQ), « exercices d’exorcismes » à la Michaux, où l’on fait halte une heure, en balbutiant quelques mantras à son papier. Une heure, où l’on est successivement fourmilier aperçu dans le llano vénézuélien, lézard amoureux de Char, papillon de Tchouang Tseu, arbre qui cache la forêt de symboles abolis.
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