La nuit comme rencontre du sommeil sans sommeil La nuit comme l’écart du Corps et de l’Esprit La nuit comme ton âme en allée dans ta nuit La nuit comme ta grâce ignorée des miroirs La nuit comme les flaques de la mer sur le sable La nuit comme une écharde dans la main du silence La nuit comme un sentier dans la voie lactée des indiens morts La nuit comme les clefs qui n’ouvrent aucune porte La nuit comme la perte des songes et des promesses La nuit comme l’encre noire qui a tracé cette page
Archives de l’étiquette : Tchouang Tseu
EXERCICES D’ÉCRITURE D’UN INSENSÉ
Je ressors du grenier une centaines de fiches de toutes les couleurs (10×21 cm), sur lesquelles j’ai écrit des lignes et des lignes, chaque nuit, comme un insensé. Les mots accumulés (bien que souvent venus « au compte-goutte ») étaient comme de petits dieux de passage que je suivais innocemment : un lézard amoureux par ci, les rêves d’un papillon par là, et même un trou noir photographié pour la première fois au centre de la Galaxie M 87, tout ce qui passe au fil de la plume nous faisant oublier combien il y a loin de la coupe aux lèvres. Je ressors du grenier ces fiches regorgeant d’étranges étrangetés, exercices tracés à la pointe d’un stylo s’imaginant calame. Le K, l’âme de cette nouvelle de Buzzati que j’ai faite à chaque rentrée lire à mes élèves collégiens qui l’auront pour la plupart, et pour leur plus grand bien (ou mal, l’hésitation est permise), oubliée. Le K animal débonnaire et porteur de la pierre d’immortalité, était pris par l’enfant héros comme un monstre qu’il ne fallait pas approcher. Croiser et recroiser, ces obscures clartés, collages intempestifs exposés au Moma (Mona Lisa des Champs : LHOOQ), « exercices d’exorcismes » à la Michaux, où l’on fait halte une heure, en balbutiant quelques mantras à son papier. Une heure, où l’on est successivement fourmilier aperçu dans le llano vénézuélien, lézard amoureux de Char, papillon de Tchouang Tseu, arbre qui cache la forêt de symboles abolis.
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
J’ÉCRIS opus19
J’écris toujours en avance d’une rame de papier
J’écris dans le métro des poèmes métrorimés
J’écris allongé
J’écris une fois la tête bien calée sur l’oreiller
sans bouger
J’écris par intermittence
J’écris en écoutant le corps
J’écris sous sa dictée
J’écris aussi dans ma tête sans laisser de traces
J’écris alors comme les calligraphes de la vieille Chine
J’écris comme Tchouang Tseu
traduit et remis en jeu
par Jean-François Billeter
J’écris à jeun :
la cafetière à portée des écrivains très peu pour ma pomme
J’écris dès que je me réveille d’un premier somme
J’écris sans en faire tout un pataquès
J’écris patac un coup porté sur le nez
(comme on disait dans les bals de mon adolescence
quand entre bandes rivales ça se frittait)
J’écris avec beaucoup de fritures sur la ligne
J’écris comme jamais dans une mer sans poissons ni rivages
J’écris comme un fantôme vivant
Comme un brigand près des prophètes de profession
J’écris en disant à mes correspondants
qui veulent prélever une mes fleurs
pour la mettre dans un bouquet universel,
faites faites !
J’écris sous la lumière crue d’une Odyssée
aussi extraordinaire qu’incertaine
J’écris d’île en il, d’aile en elle
J’écris comme cet avion sans ailes
chanté par Charlélie Couture
J’écris couturé de frais
J’écris cétacé
J’écris c’est assez de contourner
des lagunes et nos lacunes,
nous les hommes,
de n’avoir pas porté, puis libéré,
l’être nouveau expulsé de la mer primitive
J’écris au- delà du bien et du mal
de la syntaxe crépitante
et de la flèche tirée au bal des prétendants
J’écris pour la seule bonne nouvelle annoncée,
sortant du pavillon de l’aurore :
Un.e enfant nous est né.e !
COMPOSÉ À L’OREILLE
Composé à l’oreille transcrit sur le papier
Un fragment de ténèbres et de chant mesuré
Le risque de tomber d’un trapèze de feu
Métaphores brisées têtes dans la sciure
Des vers de nos poètes plus personne n’a cure
Composé à la feuille au bord d’un fleuve bleu
Où un papillon rêve les pensées de Tchouang Tseu
De la dernière indienne de la Terre de Feu
Passé comme un vertige le poème se rompt
Quelques roses de braises volètent à l’horizon
10/01/2021

LA MAIN CHINOISE

01/06/2020
LA MAIN CHINOISE
« Voilà ces lignes qui à peine le temps d’y penser
Sont au cœur de mon petit métier »
La main chinoise
Si l’on veut
Je connais
toutes les histoires
de Tchouang Tseu
Celles du boucher
du charron
de l’empereur jaune
et les autres
Tous ceux
qui excellent
dans leur métier
Le mien
est petit
et j’en ai fait
un recueil publié
qu’heureusement
personne ne lit
Sauf ceux et celles
qui savent
que « petit métier » partagé
permet de supporter
nos vulnérabilités

n° 753
février 2019
poème premier
les mots qu’on échange
avec je ne sais qui
qui lit je ne sais comment