JE ME PERDS DANS MA PAGE

JE ME PERDS DANS LA PAGE des partis pris de Ponge de l’huître au gosier de nacre et de son obsession pour la tiare bâtarde Je me perds dans Michaux Cloué au lit par une méchante fracture me voilà inventant toute une cavalerie qui passe après la bataille Je me perds dans l’ange sombre de la Melancholia d’Albert Dürer mélas : noir kholè : bile Obscurités non obscures Je me perds dans l’éternité retrouvée la mer allée avec le soleil le pavé disjoint de la cour de l’hôtel de Guermantes Je me perds pour mieux me retrouver dans les pages de Ponge faisant face avec Michaux à ce qui se dérobe le soleil noir de la mélancolie l’éternité de Rimbaud la vocation révélée au narrateur de la Recherche

je me perds dans cette autre page signée : « le Banni de Liesse »

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EXERCICES D’ÉCRITURE D’UN INSENSÉ

 Je ressors du grenier une centaines de fiches de toutes les couleurs (10×21 cm), sur lesquelles jai écrit des lignes et des lignes, chaque nuit, comme un insensé. Les mots accumulés (bien que souvent venus « au compte-goutte ») étaient comme de petits dieux de passage que je suivais  innocemment : un lézard amoureux par ci, les rêves dun papillon par là, et même un trou noir photographié pour la première fois au centre de la Galaxie M 87, tout ce qui passe au fil de la plume nous faisant oublier combien il y a loin de la coupe aux lèvres. Je ressors du grenier ces fiches regorgeant détranges étrangetés, exercices tracés à la pointe dun stylo simaginant calame. Le K, lâme de cette nouvelle de Buzzati que jai faite à chaque rentrée lire à mes élèves collégiens qui lauront pour la plupart, et pour leur plus grand bien (ou mal, lhésitation est permise), oubliée. Le K animal débonnaire et porteur de la pierre dimmortalité, était pris par lenfant héros comme un monstre quil ne fallait pas approcher. Croiser et recroiser, ces obscures clartés, collages intempestifs exposés au Moma (Mona Lisa des Champs : LHOOQ), « exercices dexorcismes » à la Michaux, où lon fait halte une heure, en balbutiant quelques mantras à son papier. Une heure, où lon est successivement fourmilier aperçu dans le llano vénézuélien, lézard amoureux de Char, papillon de Tchouang Tseu, arbre qui cache la forêt de symboles abolis.

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NOS MÉTAPHORES VIVES

L’énigme du discours métaphorique c’est, semble-t-il, qu’il invente au double sens du mot : 
Ce qu’il crée, il le découvre
Et ce qu’il trouve, il l’invente.

Paul Ricœur (La métaphore vive)


Ça s’coue la vie
La vie, ça s’coud
Par tous les bouts
Portant le joug 
Des peines quotidiennes
Ou bien pis 
De supplices de l’estrapade
En Enfer des camps
Où l’on extermine
À tout va

Ça secoue la vie 
La vie ça se coud
D’un texte à l’autre
C’est le fil rouge
D’une main qui refuse
De vivre pour rin
Marionnette vide
De la Môme Néant 1
Qui quoi qu’elle dise
Fasse et pense
A’xiste pas

Mais cependant
Face à ce qui se dérobe 2
Un texte poétique
Amorce l’ouverture
De notre sac de peau
D’où gicle la forme
D’associations libres
L’ébranlement salutaire
De nos métaphores vives


1 Jean Tardieu 2 Henri Michaux

DU CORPS AU COR



Fantaisie anachronique


Le corps
Le petit corps humain témoin
de l’immensité du cosmos
mêlé au for intérieur
La nuit quand tout s’éclaire
Interstellairement


Le corps sous le manteau
D’une belle pièce de Poésie
Que l’on agrippe, ragrippe
Sur l’étal d’Henri Michaux 1

Le corps qui s’abandonne
Au son du cor
Mélancolique et tendre…
Le soir au fond des bois 2


1 Henri Michaux Invitation 2 Alfred de Vigny



ECCE HOMO ses mots de Joie ses maux atroces

À écrire on s’expose décidément à l’excès.

Henri Michaux

Que c’était bien bon dieu
Ces vaches de poèmes
Écrits à la va vite
Sur un bout de papier
Une nappe de restau
Ou l’écorce d’un chêne

Enchaînés enrythmés
Enlyrés et légèrement
(pour rire) empapaoutés

C’était vachement chouette
La tournée des grands ducs
Sur la page nocturne
L’impro des normaliens
de la rue d’Ulm, la turne
de Queneau ou Tardieu
Ces rémouleurs sublimes
De rimes jouissives


C’était (faut-il qu’il m’en souvienne)
La Li-Bé-Ra-Tion
C’était après la guerre
(La seconde qui succéda 
Allez savoir pourquoi
à la der-des-ders)

Mais putain d’empire russe
Avec son chien Poutine
Aux babines sanglantes
Voilà qu’ça recommence
Fini de rigoler
Il nous fait une Michaux
Ces villes de loques
Et son Ecce Homo

Je n’ai pas vu l’homme répandant autour de lui l’heureuse conscience de la vie
Mais j’ai vu l’homme comme un bon bimoteur de combat
Répandant la terreur et les maux atroces

Ecce homo (1943)