Le réel qui importe Se contente de l’esquisse De l’ébauche souriante
André Ughetto
1
SON CORPS DE MOTS
Le poète a mis tout son cœur son corps de mots
épars sur les schistes Les doigts poisseux du bois
de pin L’aveu du sang La page d’une vierge
que l’on feuillette par hasard dans un recueil
dépenaillé Le poète ce fils de rien
les doigts encrés sur la présence agissante
de Phœnix fauve noir des poèmes premiers*
*var. derniers
Martigues 9 juin (ardente lyre) 2020
2
QUI SAIGNE SIGNE
le titre d’un livre d’André Ughetto
(Sud-Poésie Marseille 1990)
Qui signe saigne
C’est le signe du sens
et du non-sens
C’est le passage du Mat
sur la roselière
de nos rivières
La tienne la Sorgue
La mienne l’Arize
Qui saigne signe
Nos étranges morts
Phœnix en filigrane
Sur le papier qui frise…
(la suite manque)
Martigues 9 juin 2020
3
UNE VIE SOUS LE DON DE L’AMITIÉ
Le plus court chemin de soi à soi passe par autrui.
Paul Ricœur
Écrites à nos mains, comment distinguer
dans nos écrits sur soi,
ce par quoi nous sommes faits
et ce qui nous défait ?
Le rouge est mis sur nos biographies
Toi André tu les dédies à Daniel, Yves,
Jean-Jacques (c’est un autre)
Marie-Christine (pas celle de Nougaro),
Anne-Marie, Christiane, et jusqu’à cette Sybille
qui finit cigale à Cumes.
Que de passes, passages peints,
comme écrivait Michel de Montaigne,
le seul ami que nous avons en commun.
Tes instants de vie bien à toi,
passent dans les fleurs, qui s’arrondissent en fruits
sur une toile de Madame Jaccottet.
Devant le tableau d’un autre,
tu fais état d’une joie « d’inconnaissance pure ».
Ce qu’un autre, en présence du jaillissement
des maîtres poètes-calligraphes de la Chine ancienne,
nomme « éloge de la confusion ».
Tu nais et renais, des images glanées dans un aéroport,
sur des ailes de papillons, mosaïques et jardins imparfaits.
Tu nais dans l’orchestra d’un théâtre antique,
arpentant les gradins, les travées d’une « une foule jeune »,
une folle messe de rôles échangés,
sur les scènes plantées à l’Isle sur la Sorgue,
ou à Ludlow, Shronshire.
(Ça je le recopie d’une de tes pages, bêtement,
comme si j’étais l’idiot de Shakespeare,
sans qui le Roi n’existe pas.)
Assembleur, assembler depuis les « pupilles du crime »,
jusqu’au « rapt de Proserpine »,
des chars du sinistre occupant, fuyant Charleval,
au vélo de Tati tournant ces « Jours de Fête ».
Assembleur, assembler « quercis suber » avec « Kether »
au sommet de « l’arbre séphirotique ».
J’en dis pas plus et je m’efface, invitant tout lecteur
et lectrice qui t’ignorent encore, à plonger sans retenue,
dans l’ouvrage qui vient de paraître,
« de temps en temps bien admirer est hygiénique ».
Martigues 10/06/2020 3 poèmes « en cours »
*André Ughetto (Le Nouvel ATHANOR)
Collection « POÈTES TROP EFFACÉS »
» le luxe c’est d’avoir quelquefois sur l’épaule un perroquet »