LECTOR IN PARAÏSO

C’est toi qui le liras…le relieras au dévoreur de livres…doigt et lèvres marqués du sang noir de l’imprimeur…

Ou bien tu seras ce lecteur en alerte… à l’affût…qui ne sachant pas d’où va venir le gibier… s’efforce d’instaurer une patiente d’alchimiste… points en suspens…et contrepoints des arrêts sur images…

Lecteur boulimique et retenu…le doigt suivant la ligne… puis les yeux fermés prolongeant la rumeur du monde des signes…le cœur au ralenti…ou saisi d’une frénésie sauvage…

Tu poursuis le rêve insensé d’échanger avec ton LECTOR IN PARAÏSO quelque sortilège verbal…de le multiplier (sic) en nos voix communes et singulières

En des textes labyrinthiques cherchant l’au-delà de jours fracassés par l’actualité

Si par une nuit d’octobre lire c’est aller à la rencontre d’une chose qui va exister

LECTOR IN PARAISO Encres Vives collection Encres blanches n° 155 juin 2004

Réécriture 8 octobre 2025

LECTOR IN PARAÏSO le photographe a mangé le LECTOR

LE PRINCE DES ÉPÎTRES

Je relis Marot

Le prince des épîtres

J’écris haro

Sur le baudet

Je fais le pitre

.

Je pointe Poutine

L’affreux Nain jaune

Au cerveau reptilien

Massacrant le peuple

Héroïque Ukrainien

.

Je ressors mes carnets d’écriture

Vieux d’une décennie

Je redécouvre des textes touchants

Ou ratés :

Je me dis que l'auteur 
de l'adolescence clémentine
m'aiderait à faire le tri


.

L’ÉTRANGE VOIX DES POÉSIES

Je dis j’écris je lis ce que n’est pas l’ identité ce que n’est pas son imaginaire unité

Je dis à ma carte d’identité que j’aimerais voir inscrit à la ligne particularité : cherche inlassablement l’or du temps

J’écris à mes amis Michel disparus comme on parle au papier pour l’écrivain des Essais et comme on parle aux sculptures thérapeutiques muchu taillées dans du balsa la tête en bas dans la partie du morceau de bois la plus proche des racines pour le second mon ami ethnologue

Je lis ailleurs que bien que nous prétendions faire preuve d’originalité nous sommes une création de la pensée des autres

Je dis j’écris face à ce qui se dérobe je maintiens cette voix étrange des poésies pour celle qui depuis le 25 mai 2014 a perdu la voie

Je lui chante mezzo voce la chanson éternelle des feuilles mortes tu vois je ne t’ai pas oubliée

L’HEURE HORS TEMPS

Le livre nouveau d’un professeur émérite qui vient de quitter le Collège de France (relire à la fin Le cadeau sans fin ) cite maintenant un livre de poèmes en espagnol paru en 1958 Il s’agit de La hora sin tiempo de Jorge Blajot (1921-1992) « considéré comme un poète existentialiste, avec une vision profondément religieuse, très sensible au mystère et au paradoxe de la foi ». À propos du titre, que j’ai traduit L’heure hors temps, voilà que par ricochet le livre d’un Japonais paru en 1330, apparaît : Heures sans temps, Au-delà du temps, À l’intérieur du temps, les titres se chevauchent.

Je m’apprête à abandonner ma lecture sur écran quand, sur un site prolongeant les recherches poétiques de La hora sin tiempo, un abécédaire magique apparaît à mes yeux. Il s’agit d’une sorte d’atelier d’écriture proposée aux participants, qui tirent des mots au hasard, recopiés sur des cartes en couleur, puis doivent répondre à certaines sollicitations, du genre : quels souvenirs évoquent pour vous le mot Ausencia (absence), quel rapport avec un événement particulier de ta vie ?

Ainsi apparaissent

Abrazo Agua Águila Amanecer Amigo Amistad Atardecer Ausencia

Caminar Camino Cansancio Casa

Desierto

Esperanza Espinos

Flor

Hermano Hogar

Intimidad

Justicia

Lámpara Libertad Llamada

Madre Manential Mano Mar Muerte Música

Naufragio Niño Noche

Pan Paz Piedra Primavera

Regazo Roca

Sencillez Sendero Silencio Soledad Sufrimiento

Torrente Trabajo

Ventana Verdad Violencia

En les recopiant scrupuleusement j’aperçois leur pouvoir, celui de faire signe, d’ouvrir la possibilité d’un poème en prose, chemin faisant.

11 avril 10h52

LE CADEAU SANS FIN


J’entre pour la vingt quatre millième fois (évaluation chiffrée non garantie) dans un livre
Il est nouveau je viens de le choisir dans l’unique librairie de ma ville de 50 mille habitants
Le livre me renvoie d’entrée (l’auteur titre élégamment Ardoise d’entrée) à un fragment de Borges tiré d’Éloge de l’ombre
Un peintre écrit-il lui avait promis un tableau il vient d’apprendre que le peintre est mort et le tableau par conséquent perdu
À sa place préétablie Borges se dit qu’après tout ce tableau non lié à ses couleurs et formes existe en quelque façon non comme vanité matérielle mais comme promesse immortelle
The unending Gift

10 avril 2025 18h12