L’ART DU BOUSTROPHÉDON rue de la bergeronnette

Agenda 26 avril au 2 mai 2021


manuscrit

Lundi 26/04/2021

À rebours chaque nuit mes vers boustrophédonnent Mon stylo va et vient ouvrant ces lignes nouvelles D’où sortent les mots verts du vocabulaire Les oiseaux hoche-queues les picorent Ils ont le nom de ma voie : rue de la Bergeronnette.

Mardi 27/04/2021

Un détour, et un recours, cette nuit par Exercices spirituels et philosophie antique de Pierre Hadot. En particulier cette pensée déployée de manière ternaire :

1 Accueille avec joie ce qui est extérieur à toi : le Cosmos (« ordre et beauté »), la matière de l’Univers ;

2 En ce qui concerne la communauté humaine que tu côtoies, agis avec le plus de justice et de justesse possible.

3 Ce qui dépend vraiment de toi, ce sont tes pensées, les représentations (en construction) que tu te fais, auxquelles après examen (qui devrait durer dans l’idéal jusqu’à la fin de ta vie), tu « consens », et qui vont (pensées et représentations en mouvement), déterminer ta conduite.

Mercredi 28/04/2021

Contrairement au journal intime, (le moi-je en ses petites histoires), j’essaie simplement ici de laisser traces d’un jour particulier. La plume me dicte ses fantaisies glanées aux Puces, à la foire à la ferraille, au plaisir d’entretenir et de renouveler si possible, son vocabulaire. Etc.

Jeudi 29/04/2021

Avant d’ouvrir les volets donnant sur mon jardin, les maisons voisines, la mer, j’entends la pluie. J’ouvre l’écran du smartphone qui me montre, en effet, un petit nuage avec 5 barres obliques au-dessous : Pluie 14°…prévue toute la journée. La bonne petite pluie, écrivait Alain, optimiste incurable.

Vendredi 30/04/2021

Tendon de l’épaule gauche rompue, mais pas de bénéfice d’une intervention chirurgicale où l’on essaie tant bien que mal de recoller l’élastique, m’explique le spécialiste de la chose. Faut faire avec.

Samedi 01/05/2021

Premier mai, non « la fête du travail » comme je le vois écrit sur l’agenda, mais celles des « travailleurs », qui arrêtaient ce jour-là de trimer alors que leur droit de grève n’était pas reconnu. Stop, ça suffit de remplir la panse de nos « bons maîtres » comme chante Brel dans Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Et puis un à un les droits ont été conquis, ces travailleurs-là ont disparu, du moins dans nos démocraties. Et, comble d’inversion des valeurs le blanc muguet a remplacé la rouge aubépine encore nommée gratte-cul.  

Dimanche 02/05/2021

Il a plu toute la sainte journée des travailleurs (hier). J’ai pu à loisir et avec un brin d’añoranza (nostalgie) réécouter en boucle cette chanson poignante de Susana Baca, chanteuse noire péruvienne, que nous avions vu et admiré avec Jo, en Arles. C’est un poème de Cesar Vallejo, qu’il a écrit à Lima :

Esta tarde llueve, como nunca, Y no tengo ganas de vivir corazón.

Il pleut ce soir, comme jamais Et je n’ai pas le goût de vivre, mon cœur.

VERS À REBOURS soumis aux aléas

à rebours




À rebours… mes vers boustrophédonnent

ce va et vient que trace mon stylo

et qui met à jour le vert du vocabulaire

que quelques oiseaux bergeronnettes

– encore nommés hochequeues –

viennent picorer





À rebours…ce roman dont le héros

déballe sa bibliothèque à l’esthétique

décadente…Amours jaunes

de Jean des Esseintes…reclus

à Fontenay-aux-Roses





À rebours…n’en jetons plus

Reprenons joyeux rires de la vie

Amarcord…io mi ricordo..

Je me souviens de Magali Noël

tenant le rôle de la Gradisca…

en Rouge et noir

soumise aux aléas





À rebours…de ce charabia

Je me promène en ce lieu rare

Où les fleurs de ma rhétorique

Sont neiges de printemps..

Flocons d’argent d’Apollinaire

Et que n’ai-je son gai savoir…





hypnographies 5/8

À L’ÉCOUTE





À l’écoute des phrases des choses qui m’entourent,

Des portes, des fenêtres, des murs blancs de ma chambre,

des photos sur la commode, du verre d’eau et des boîtes

de faux médicaments, poudres de perlimpinpin,

des chiens qui couinent chez la voisine, des livres de chevet

qui croisent leur faire et leur laisser dire.

À l’écoute des choses qui occupent ma tête et que j’essaie

de déloger, plume à la main, avec tout ce qui se dérobe,

les rimes, les souvenirs et leur oubli.

À l’écoute des choses qui phrasent sur ce papier,

qui n’est pas du papier, des fenêtres et des portes,

des rimes sur les murs qui défient nos soucis,

et ce dernier vers déterrant les lucioles de nos

boustrophédons.