
on va bien voir entretenir le papier de moins de matière d’une encre légère entre blanc et silence on voit la présence de l’esprit rêveur qui avance seul faisant fi le temps d’un poème de ses fragilités Jean Jacques Dorio 23 septembre 2023 00 :12
Jean Jacques Dorio Un poème inédit par jour

on va bien voir entretenir le papier de moins de matière d’une encre légère entre blanc et silence on voit la présence de l’esprit rêveur qui avance seul faisant fi le temps d’un poème de ses fragilités Jean Jacques Dorio 23 septembre 2023 00 :12

IL EST DES NUITS PLUS INVENTIVES QUE D’AUTRES Allez savoir pourquoi C’est comme des voix intérieures qui prennent l’accent de tel ou tel comédien (cette nuit celle de Roger Blin qui dialogue avec Delphine Seyrig, la comédienne) Il est des nuits où mon encre à micro-pigments résistant à l’eau court la page dorée avec le stylo pointe fine qui a la qualité de l’archive, C’est comme une fugue radiophonique enregistrée le 5 mai 1966 et diffusée trois jours après Tu seras seul au monde avec ta voix Il n’y aura au monde d’autre voix que la tienne * C’est comme la voix que je lançais au printemps 1978 du haut du théâtre d’Épidaure La voix qui descendait vers toi mon amoureuse qui me faisait de grands gestes au centre de la scène Toi dont le cœur n’est plus que cendres et qui aurait tant aimé partager le secret de cette nuit trop inventive * Voix de Delphine Seyrig jouant Ada dans Cendres de Samuel Beckett

écrit tel quel sur une carte dorée 10,5×21 cm 30/01/2023
JE BOIS LA NUIT Je me réveille Je bois l’encre sur cette carte dorée J’entends les cris d’une dramatique radiophonique les bruitages qui accompagnaient la gloire de mon père que j’écoutais religieusement après souper dans la cuisine avec mes parents Je bois la voix de Jean Tardieu qui entouré de poètes et comédiens créa le club d’essai le 24 mars 1946, pile poil un an après ma naissance J’entends et je récite à nouveau dans ses sept dimensions La môme Néant (« voix de marionnette, voix de fausset, aiguë, nasillarde, cassante, caquetante, édentée ») Je bois rebois deux gouttes d’eau quand bien même tant que vyvrai j’aurai toujours soif d’un peu de nuit de radio et de l’inflexion des voix chères qui se sont tues…
J’ai du mal certaines fois à dire adieu à l’aujourd’hui J’aimerais le prolonger revivre encore au ralenti tous ses petits moments d’insouciance : rires et larmes d’une gaieté partagée pour un bon mot, une galéjade (de galer se réjouir), Braises de phrases sur lesquelles on souffle en toute innocence Souviens-toi, se dit-on ensuite lorsqu’on se retrouve seul ou seule Souviens-toi du poème que tu écrivis plus tard (dans l’aujournuit), pour le plaisir de recroiser sur le papier les images et les visages de cette journée particulière L’encre brillait, vibrait d’un lyrisme contenu, la page évoquait cette lumière d’une étoile éteinte depuis des milliers d’années mais qui continuait à nous parvenir comme ce viatique pour l’éternité, que l’on peut lire gravé sur une pierre blanche, sur l’immeuble donnant sur le Quai aux Fleurs et qu’occupa le philosophe doux dingue qui avait pour nom Jankélévitch et que les étudiants des amphis occupés en Mai 68 appelaient affectueusement Janké Adieu donc à l’aujourd’hui, à sa sereine intranquillité, que l’on annote sur notre partition d’un ppp (pianossissimo)
https://www.leseditionsdunet.com/livre/un-dictionnaire-part-moi
– Toi qui écris cette série de dialogues intérieurs, connais-tu « Dialogues Typographiques » ?
– Tout juste. Je viens de les relire.
– L’auteur a imaginé dans le coin à gauche et en haut de la page…une foule immobile
qui regarde et qui se tait.
– Oui et il a situé la scène…sur les bords de la Seine.
– Une nuit d’encre filant la métaphore coule sous les ponts.
– « Sous les ponts de Paris coule… la merde » chantait Béranger (François) dans une très longue
chanson prolongeant l’enragement de Mai 68 et baptisée par antiphrase « Paris Lumière ».
– Un chant tendre et pathétique qui me tire la nuit hors du sommeil. La foule qui entendait le bruit des sabots de fiacre sur les quais a disparu.
– Ai-je bien payé ma dette à tous ces flots d’hommes et de femmes se demande en bouclant sa page ce poète toujours en mouvement qui signait du nom énigmatique de Jean Tardieu.
Dialogues intérieurs IX