JE LIS TURLUPINADES

Je lis à l’écart en catimini 
une anthologie des charabias
galimatias et turlupinades
Maintenant que mon gagne pain
C’est d’parler comme un turlupin

Je lis la leçon inaugurale
de C.L.S. au Collège de France
Ces Indiens des Tristes Tropiques
bientôt hélas tous voués à l’extinction
sous le choc des maladies
et des modes de vie
que nous leur avons apportés

Je lis un roman fantaisiste
intitulé Écrit sur de l’eau
Ah qu’il est beau le débit de lait
Ah qu’il est laid le débit de l’eau

Je lis avec l’émerveillement de l’enfant
qui reste le secret de ceux que jadis
on affublait du nom de poètes

NUIT DE NOËL : la der des ders

Depuis que je suis enfant j’écris des cahiers que une fois terminés j’enferme à double tour dans un coffre hérité de mon grand père maternel

Ça a commencé le jour où à 7 ans j’ai découvert par hasard père et mère jouant le rôle de papa Noël autour de minuit un 24 décembre

Je n’ai rien dit mais je l’ai écrit en secret sur la première page d’un cahier à couverture jaune dont le thème on peut s’en douter était le mensonge On m’a menti était son leitmotiv

Le pouvoir des mots écrits m’apparut dès ce jour exorbitant bien que naturellement j’étais trop enfant pour pouvoir rendre cette idée manifeste

Mais je persévérai jour après jour année après année

Mes 7 ans se sont convertis en 77 et cette nuit de Noël m’apercevant que mon dernier cahier est épuisé j’ai décidé d’arrêter là les frais : plus un mot plus une ligne

Monsieur Personne s’en est allé dans les rues d’une ville portuaire ouverte à tous les vents un billet d’un vaisseau fantôme dans ses poches trouées en sifflotant une milonga donnant congé à la vie et à son mentir vrai

Martigues 24/25 décembre 2023

LE MASSACRE DES INNOCENTS

Je perds les pédales devant l'horrible guerre
-C'est pas juste dit un enfant
Après l'Israélien c'est un Palestinien
qui parle
Je suis entouré d'arbres qui me regardent
Je les entends me menacer
Je ne sais au juste ce qu'ils me reprochent
Difficile pourtant d'esquiver
Mais dire la détresse comme elle est
N'est pas donné à la langue de tous les jours
(les mots des tribus ennemies ajoutent de la haine au désespoir)
Le nom qui donnerait un début de réponse
Reste sur le bout de la langue
Mais non l'œuvre picturale
que je ressors soudain de ma mémoire
Je l'ai vue et longuement contemplée
Au temps de la Guerre du Vietnam
Au Moma à New York
Avant qu'elle ne revienne
Au musée de la Reine Sofia
À Madrid
(après la mort du dictateur fasciste espagnol)
-C'est pas juste disent les enfants des deux peuples ennemis
C'est de plus en plus nous qui subissons le massacre des innocents
Combien d'années maudites faudra-t-il encore passer
Avant de revoir refleurir la paix l'art
le petit bonheur d'Exister

Martigues vendredi 8 décembre 2023

Si personne ne dit rien je dis : le tragique c’est quand les deux ont raison.

Nous irons sûrement au bout du tragique.

Michel Chalandon

Un cumulus de violence mine toute image de son cœur sombre,

et les cris lointains traversent l’espace.

Pas de remparts pour la plainte humaine,

et les mots tombent dans nos sommeils,

où remue sans fin tout un monde blessé.

Jacqueline Saint-Jean

ENCORE UNE PHRASE

Encore une phrase 
Jouant avec les lignes
D’un poème pour l’écrire 
Comme on voit dans les livres
Les lèvres la relisant
Comme faisaient nos ancêtres 
En découvrant religieusement 
les nouvelles
Sur le journal du matin
Encore une manière
De parler au papier
De prononcer pour soi
Quelques mots sur les guerres
en cours
Sur leurs atrocités 
Sur l’enfant au tambour
Qui lance un appel 
Aux dieux de la paix